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Rencontre avec Éléonore Boudault

Lauréate du Prix de l’adaptation en sous-titrage d’un film non anglophone

Éléonore Boudault et ses colauréats de l'adaptation en sous-titrage, Lucinda Treutenaere et Emmanuel Menouna Ekani

Vous avez reçu un Prix ATAA pour l’adaptation en sous-titrage d’un film argentin, alors que vous n’avez que trois ans d’expérience dans l’adaptation. Cela doit être très valorisant ?

Oui, j’étais tellement contente ! D’autant que j'ai adoré travailler sur Le Braquage du siècle. Ce film est non seulement drôle, mais aussi admirablement réalisé et écrit. Sans vouloir minimiser mon travail, on peut dire que des dialogues amusants, rythmés et fluides facilitent grandement le processus de traduction. Lorsque tout coule naturellement, on peut se laisser porter par le film, ce qui rend le travail plus agréable et plus efficace. Or, ce n’est pas toujours le cas… Par exemple, l’anglais peut poser des défis que je ne retrouve pas en espagnol ou en portugais. La plasticité de l’anglais nous confronte parfois à des inventions de verbes – créés à partir de substantifs –, à des raccourcis ou à des pirouettes linguistiques difficiles à traduire en français car notre langue se veut précise et nette. Dans ces cas, nous devons clarifier les choses et aller droit au but.

Crédit photo : Rémi Poulverel

Bien que jeune adaptatrice indépendante, vous travaillez à mi-temps pour Titrafilm. Pourquoi ce double statut ?

J’ai été recrutée par Titrafilm à l’issue d’un stage de fin d’études. Et depuis quinze ans, j’occupe des fonctions de technicienne – simulation, repérage, calage des sous-titres, etc. En salariat, nous ne faisons pas du tout d'adaptation, hormis pour quelques rares films-annonces. Bien que passionnant, le travail technique peut s’avérer frustrant si on s’y limite. Et à force d’observer le travail d'adaptation de mes confrères et consœurs, l'envie de me lancer est devenue trop forte. Aussi, depuis 3 ans, je trouve mon équilibre en travaillant à mi-temps en tant que salariée et le reste de mon activité en indépendante. Même si ce n'est pas toujours facile : les conditions de travail se durcissent, les délais raccourcissent, et avec trois jours de présence par semaine à Titrafilm, il devient parfois impossible d’accepter certains projets freelance faute de temps. Cependant, cela reste une sécurité financière et une chance d'occuper un des rares emplois techniques salariés dans le sous-titrage.

Quelle était votre motivation profonde à devenir adaptatrice ?

Ce qui me passionne, c'est de parvenir à retranscrire les émotions et les intentions des personnages. C’est tout l’art de l’adaptation : ne pas traduire simplement des mots... Quand nous travaillons sur un film ou une série, nous disposons de l'image, du jeu des acteurs, et de nombreux autres éléments que nous devons traduire en mots. C'est une tâche incroyablement gratifiante, et je pense que cela passionne tous ceux et celles qui travaillent dans ce domaine.

Avez-vous toujours voulu être adaptatrice audiovisuelle ?

Quand j’étais étudiante, je me suis longtemps interrogée sur mon avenir professionnel et ai exploré différents horizons avant de trouver ma voie. Initialement, j’ai étudié l’Histoire de l’art. Ma licence en poche, je suis partie découvrir Berlin le temps d’un été. Finalement, j’y suis restée deux ans. De retour en France, j’ai choisi la sociologie et l'Institut des Hautes Études de l'Amérique latine pour mon master 2 en Sciences sociales. Je ne savais toujours pas quoi faire de ma vie… La révélation est venue d’une rencontre ! J’ai connu par hasard une technicienne qui travaillait pour TVS – l’ancienne branche télévisuelle de Titrafilm : en l’écoutant parler de son métier, j’ai découvert le monde fascinant de la traduction audiovisuelle. Je n’ai plus hésité et me suis inscrite en master Traduction audiovisuelle à Nanterre.

Ceux et celles qui vous suivent sur les réseaux sociaux connaissent votre militantisme politique. Selon vous, quels sont les ingrédients d’une action militante efficace ?

Je suis féministe radicale, mais je ne suis pas à proprement parler militante, sachant que je ne suis active dans aucune association. Néanmoins – quel que soit le domaine – le militantisme réside, selon moi, dans le recours au collectif afin ne pas se sentir seul et de lutter tous ensemble pour avoir du poids. Et l’ATAA l’a bien compris. L’essentiel est d’unir nos forces, de ne pas rester isolés et de se parler. C’est vraiment important de sentir que nous sommes en nombre et de savoir que nous demeurerons tous solidaires si un client tente de nous imposer un tarif difficilement acceptable. Même si l’ATAA ne représente pas l’ensemble des traducteurs de l’audiovisuel de France, nous rassemblons plus de 600 membres. Grâce à l’ATAA, nous nous rendons compte de notre force.

Selon vous, quel est le meilleur outil d’échange mis en place par l’ATAA ?

Très probablement le forum réservé aux adhérents. Nous pouvons y discuter de milliers de sujets et communiquer de manière anonyme nos tarifs. Cela permet de contourner la crainte de certains et certaines de dévoiler publiquement leurs rémunérations, soit parce qu’elles s’avèrent basses, soit parce qu’elles sont élevées. C’est essentiel de mettre tout ce savoir dans le collectif, car seuls derrière nos écrans – avec nos clients au téléphone – il est plus difficile de savoir ce qui est acceptable ou pas. Sans échanges avec les autres membres de la profession, nous risquons d’accepter des tarifs trop bas et ainsi de casser les prix du marché. Personnellement, je ne consulte plus très souvent le forum, mais si j’avais un doute sur un tarif ou sur une proposition, j’irais sur la plateforme pour vérifier si d’autres confrères et consœurs en parlent.

Avez-vous toujours adhéré à l’ATAA ?

En tant que technicienne, je ne me sentais pas légitime. Ponctuellement, je faisais certes quelques adaptations, mais en travaillant à temps plein à Titrafilm, je ne me considérais pas comme adaptatrice. Même si l’ATAA met tout le monde à l’aise : notre association ne tient pas le discours réactionnaire d’une profession défendant uniquement son pré carré. Et tant mieux, car on ressent parfois un fossé générationnel entre les traducteurs chevronnés qui bénéficient d’exceptionnelles conditions de travail, et ceux qui démarrent leur carrière et doivent composer avec la demande du marché. Il existe un décalage entre les attentes et la réalité économique du secteur, et les tarifs préconisés ne reflètent parfois pas la réalité du marché. Même si je reconnais que les auteurs les plus exigeants tirent toute la profession vers le haut en nous incitant à négocier les tarifs, et en nous habituant à ne pas tout accepter. Personnellement, je suis consciente de ma chance d’avoir travaillé longtemps dans le cinéma pour Titrafilm : cela m'a permis de connaître les clients, et de travailler avec des majors. Tout le monde n'a pas eu cette opportunité. Il y a des traducteurs qui ne font pas de simulation, qui travaillent de manière plus isolée, et qui n'ont pas la chance de rencontrer directement les clients…

Pour poursuivre son action, l’ATAA a besoin de bénévoles. Si cela vous est proposé, accepteriez-vous de devenir jurée pour un prochain Prix d’adaptation ?

Ma première réaction serait de dire « Oui, avec grand plaisir ! Comment refuser ? » Seulement, en tant que salariée chez Titrafilm, ma présence dans le jury disqualifierait automatiquement tous les films passant par notre labo, et je ne voudrais pas priver de nombreux adaptateurs de la possibilité d'être nommés. Pourtant, j’aurais été enthousiaste : j'ai entendu dire que c'était un travail intense et exigeant, mais tellement intéressant. Et à titre personnel, je me serais sentie parfaitement armée pour cette mission, en raison de mon expérience dans la simulation et la technique depuis plus de 15 ans. J’aurais été capable de juger de la qualité d’un sous-titrage sans être influencée par d'autres facteurs. Je pense en effet disposer d’une vision objective, si tant est qu’on puisse parler d’objectivité.

Crédit photo : Rémi Poulverel

Rencontre avec Sabine de Andria

Membre du comité d’organisation des Prix ATAA

Autrice de sous-titres

Sabine de Andria, lors de la cérémonie 2023

Dans quel contexte les prix ATAA ont-ils été créés ? Qu'est-ce qui a motivé leur création ?

L'ATAA a été créée en 2006. Très rapidement, nous avons eu l'idée d’organiser un événement qui donnerait de la visibilité à l'association. Notre objectif principal était de faire connaître nos métiers et d'exister auprès de la presse, des institutions, de nos partenaires et de nos clients. Nous voulions sortir de l'ombre les auteurs de doublage, de sous-titrage et de voice-over ; montrer que c'était un métier à part entière et prouver que nous exercions tous le même métier, celui d'adaptateur, même si nous travaillions dans des univers différents et dans des conditions différentes.

Le deuxième objectif était d'établir une communication directe entre les auteurs et leurs clients finaux. Nous voulions encourager un dialogue ouvert – l'une des principales missions de l'ATAA – avec les commanditaires, les institutions, etc. Le fait que la cérémonie des Prix se déroule à la Sacem et celle des Prix documentaires à la Scam a par exemple, contribué à cette visibilité et permis de faire entendre la voix des adaptateurs.

Enfin, comme l'a souligné Anaïs Duchet, qui était alors présidente de l’association, nous espérions aussi rassembler toute la profession dans un esprit positif lors d’un événement festif. Une manière de faire exister l’ATAA dans un contexte autre que l’action revendicative ; et d’encourager les bonnes pratiques en mettant en lumière des adaptations de qualité ainsi que leurs auteurs.

Plus de dix après leur création, les Prix ATAA ont-ils atteint leurs objectifs ?

Aujourd'hui, nous constatons que les Prix ATAA ont dépassé nos attentes en devenant un rendez-vous incontournable du milieu, tant pour les auteurs que pour les distributeurs, les laboratoires et nos autres partenaires. Ce rendez-vous annuel est attendu par tous. C'est une occasion pour les professionnels de se rencontrer, chose de plus en plus rare dans notre métier, surtout pour ceux qui ne sont pas basés à Paris. Au quotidien, il arrive fréquemment que nous n’échangions que par e-mail avec des clients ou des collègues que nous ne rencontrons jamais. Donc, cette dimension de rencontre et d'échange dépasse le cadre de la cérémonie de remise des Prix elle-même. C'est formidable et très positif !

On remarque aussi que notre message est entendu, certains clients prennent (encore) plus en considération les auteurs et répondent plus volontiers aux questions des organisateurs des Prix, et les adhérents se défendent de mieux en mieux. C’est très satisfaisant.

D'un point de vue plus personnel, quel bilan tirez-vous de votre implication dans l'organisation des Prix ATAA ?

Avant tout, je retiens les rencontres. C’est l’aspect le plus enrichissant. Outre les amitiés qui sont nées de cette expérience, j'ai eu la chance de connaître de nombreuses personnes que je n'aurais jamais eu l’opportunité de croiser. Pour composer les jurys, nous sollicitons les professionnels les plus divers, venant d’horizons différents, ayant des points de vue innovants sur le sous-titrage, les films ou les séries. J’ai souvenir de discussions passionnantes !

C'est grâce à ces rencontres que j’ai changé de regard sur le métier : au début de ma carrière, j’ai adapté des documentaires puis des séries, le cinéma me semblait un monde totalement inaccessible. Mais encouragée par mes collègues, j'ai fini par me dire "Pourquoi pas moi ?" Cette expérience m'a fait grandir et permis d’élargir mes perspectives en remettant en question ces frontières.

En tant que membre organisateur des Prix ATAA, vos adaptations seront encore exclues de la compétition pendant un an. Ne le regrettez-vous pas ?

Je suis surtout désolée pour mes collègues co-auteurs d’adaptation de séries que cela rend inéligibles par ricochet. J’ai également souvenir d’une cliente qui regrettait qu’un de ses films ne puisse être sélectionné. Mais à titre personnel, cela ne me dérange pas : ne pas être éligible m’enlève une préoccupation. En créant les prix ATAA, nous n'avions pas conscience de leur impact émotionnel sur les personnes nommées. Cela nous a un peu dépassés… Nous voulions mettre en lumière tout le monde. Distinguer une adaptation remarquable parmi d’autres n’était presque qu’un prétexte. C’est d’ailleurs pour cette raison que nous avons toujours refusé la dénomination « Prix de la meilleure adaptation ». Seulement, cela reste une compétition. Certains ont à cœur d’être récompensés. Pour les finalistes, cela peut créer du stress et évidemment des déceptions.

Selon vous, quelles sont les plus belles avancées de l'ATAA, ainsi que ses combats les plus importants ?

À mon sens, la première grande avancée de l'ATAA a été sa création et le regroupement de tous nos métiers. L'existence même de l'association et de ses différents lieux d'échange, comme le site web ou les journées portes ouvertes, permet aux professionnels de tous horizons (sous-titrage, doublage, voice-over, audiodescription, SME, etc.) de se retrouver. Cela aide notamment à naviguer dans les aspects administratifs du métier, ce qui est précieux au quotidien.

Avoir donné une voix aux adaptateurs et permettre à chacun de prendre part aux décisions concernant notre métier se traduit par des avancées dans de nombreux domaines, grâce à la force de l'association et à sa capacité à rassembler les professionnels.

Une des conséquences positives de cette capacité à réunir et à dialoguer est la possibilité d'entreprendre des actions concertées. Avant, lorsque les conditions de travail se détérioraient, nous nous demandions quoi faire, si une grève était possible ou quelles autres actions entreprendre. Aujourd'hui, il est envisageable de mener des actions collectives, de réaliser des études sur l'état de notre métier et de coordonner différentes initiatives. La mise en place de collectifs de négociation est un exemple concret de cette évolution, et même quand l'ATAA n’est pas à l'initiative d’une action, elle est toujours là pour l’accompagner.

L’ATAA est devenue un organisme incontournable dont la solidité semble acquise. Est-ce pour cette raison que l’association manque aujourd’hui de bénévoles ?

Je pense que cela s'explique de plusieurs manières. Tout d'abord, certaines personnes pensent que l'ATAA est bien établie et que cela continuera de fonctionner sans leur participation. Mais il faut prendre conscience que l'ATAA, c'est NOUS ! L'action collective se construit grâce à la contribution de chaque membre. Sur les réseaux sociaux, il arrive de lire "Que fait l'ATAA ?" en commentaire, mais nous sommes tous l'ATAA. Si tu veux que quelque chose soit fait, tu dois t’impliquer. Il ne faut pas toujours tout attendre, mais plutôt réfléchir à ce que nous pouvons apporter à l'association. Être adhérent et renouveler son adhésion est un premier pas important, mais il est essentiel de ne pas s'arrêter là. L'ATAA compte sur ses membres pour continuer à avancer et à représenter la profession. Le nombre d’adhérents ne cesse d’augmenter, mais pas le nombre de membres au Conseil d’administration. Nos huit représentants actuels ne peuvent pas tout porter, heureusement qu’il y a quelques autres bonnes volontés. Il est crucial de donner un nouvel élan à l'association.

Ensuite, il y a la crainte que s'investir bénévolement dans une association demande du temps et de l'énergie. Cela peut représenter un frein. Mais rappelons que chaque petite contribution compte, nul besoin d’y consacrer de longues heures. Enfin, certains membres ne s’estiment pas assez légitimes : cette idée est totalement erronée, car nous sommes tous légitimes, nous pouvons tous apporter notre pierre à l'édifice et apprendre énormément au passage, auteurs chevronnés comme jeunes diplômés : rappelons que certains membres fondateurs de l’ATAA débutaient encore dans le métier à l’époque de sa création.

Concrètement, comment peuvent contribuer les membres qui souhaiteraient s’engager plus activement ?

Chacun peut s'investir selon ses disponibilités et ses compétences, simplement en apportant des idées ou des solutions. Bien d'autres actions existent comme répondre aux médias, écrire des articles, représenter l'ATAA lors d'événements, etc. Les compétences en informatique, en graphisme sont les bienvenues… Toutes les contributions sont appréciées, même pour un coup de main ponctuel. D’autant que rien n’oblige à s'engager dans le Conseil d'administration. Assister à ses réunions, même en visioconférence, permet de se tenir informé des actions et des projets en cours. Cela aide à identifier les sujets qui nous intéressent et ainsi donner envie de s'impliquer d’une manière ou d’une autre.

Après toutes ces années, vous avez décidé de quitter le comité d’organisation des Prix ATAA. N’avez-vous pas un pincement au cœur ?

Si, bien sûr, ça fait drôle. Mais je serai toujours là pour apporter mon soutien ! J'espère cependant que de nombreux membres se sentiront encouragés à s'impliquer et à participer activement à l'avenir de l'association. Il y a tant de choses à apprendre et à réaliser ensemble, entouré de personnes passionnées et bienveillantes.

Rencontre avec Florian Etcheverry

Membre du jury de l’adaptation en sous-titrage 2023

Lori Rault, Cécile Denise, Rachèl Guillarme, Quentin Rambaud, Florian Etcheverry et Florence Curet pour le jury, Emmanuel Menouna Ekani, Lucinda Treutenaere et Éléonore Boudault pour les lauréat·es

Vous êtes critique de cinéma indépendant pour Les Écrans terribles. Comment s’est déroulé votre travail de juré pour les Prix ATAA ?

Au sein du jury, j'étais le seul professionnel non spécialisé dans le domaine du sous-titrage. Aussi, mon rôle s’apparentait à celui d'un consultant : je portais davantage attention à la qualité de la restitution et à l’expérience artistique qu'aux critères techniques, qui étaient discutés par les autres membres du jury. Dans ce domaine, je leur faisais entièrement confiance. De mon côté, j’ai apporté mon expertise et ma sensibilité. Je regarde énormément de films et de séries en VOST, et même si je parle couramment anglais, j'accorde une grande importance à la qualité des sous-titres. Ils sont essentiels à la restitution d’un programme. Mais leur qualité ne va pas de soi, souvent j’observe que les sous-titres me font sortir de l'histoire...

Comment avez-vous procédé pour évaluer les œuvres non-anglophones ?

J'essayais de juger la fidélité des sous-titres par rapport à ce que je percevais de l'esprit du film, de son histoire et de son essence. Lorsque des sous-titres sont réussis, ils offrent une aide et un confort. Leur lecture ne doit pas prendre le pas sur l’action qui se déroule à l’écran. Par exemple, le film finaliste La Loi de Téhéran représentait un défi en termes de sous-titrage. C’est un film très intense à suivre, avec de nombreux dialogues, de multiples injonctions et coups de pression. Les personnages parlent très vite et hurlent souvent des paroles que l'on ne comprend pas. Cependant, j'ai trouvé que son adaptation s'en sortait remarquablement bien. Cela sautait aux yeux, même sans entrer dans les considérations techniques. Le registre de langue était perceptible à l'écran. Même sans comprendre le persan !

Ces dernières années, estimez-vous qu’il y ait eu une évolution dans la qualité des sous-titres ?

Selon moi, la situation est ambivalente. La montée en puissance des plateformes de streaming devait offrir plus de choix de langues. C’était l'une de leurs promesses. Elles étaient censées remplacer les contenus des DVD et, proposer instantanément des versions multilingues, ce que n’offrait pas toujours la télévision traditionnelle. Et il est vrai qu’en termes de volume, nous observons une présence accrue de sous-titres français. Cependant, en termes de qualité, il y a une plus grande variabilité. Cela dépend évidemment des plateformes et de leur politique interne en matière de sous-titrage. Cet aspect relève des coulisses. Mais, en tant que spectateur, j'ai remarqué que certains programmes avaient des sous-titres un peu négligés et des formulations malheureuses. Cela dessert l’œuvre. Bien que le volume de sous-titrage ait augmenté et qu'il n’ait jamais été aussi facile de regarder un programme en version originale sous-titrée, cela ne garantit pas une consistance qualitative des sous-titres.

Dans ce contexte, que pensez-vous de l'arrivée et de l'évolution des plateformes ?

Nous avons assisté à l’arrivée successive de Netflix, Prime Vidéo, Disney + et Paramount +. Je pense que, contrairement à ce qu'on veut nous faire croire, il y a de la place pour tout le monde. Cependant, il y a une grande incompréhension autour de la stratégie de ces plateformes. Par exemple, Netflix produisait initialement pour un large éventail de niches cinématographiques et de publics. Mais avec la diminution récente de son nombre d'abonnés, la plateforme a décidé de se concentrer sur les niches les plus fidèles, en favorisant les franchises de genre destinées à un public relativement jeune, ainsi que des franchises d'animation ou familiales. Disney + a suivi cette même stratégie lors de son lancement en France. Alors même que nous étions impatients d’avoir accès aux grands classiques de la Fox et des studios Disney. Or, l'accent est principalement mis sur leurs grandes productions originales et de nombreuses séries, au détriment des films.

La promesse d’un eldorado pour cinéphiles est donc déçue ?

En effet ! Les catalogues de fond cinématographique ne sont pas vraiment accessibles sur les plateformes des studios américains. En revanche, nous sommes chaque semaine, noyés par les nouvelles catégories ajoutées au catalogue de Netflix, Prime Vidéo et Disney +. Le défi réside aujourd’hui dans la promotion de ces contenus, car ils sont dilués dans la masse et n'obtiennent pas nécessairement une visibilité optimale. Cela donne même l'impression d'un manque d'engagement de la part des plateformes.

L'économie de l'attention est devenue un enjeu majeur, avec la nécessité pour les plateformes de capter l'attention du public et de maintenir l’engagement des abonnés. Avec cette logique, les programmes sont diffusés en espérant un retour sur investissement rapide, mais sans visibilité artistique suffisante. En réalité, de nombreux programmes sont considérés comme jetables et passent pratiquement inaperçus. Par exemple, un cinéphile français lambda aura plus de chance d’entendre parler d’un film russe ou espagnol sorti dans cinq ou dix salles pendant deux semaines, que de la production non occidentale des plateformes. Uniquement parce qu’il aura lu une critique dans Libération ou écouté France Culture.

Pensez-vous que cela ait un impact sur la qualité des sous-titres ?

Face à cette réalité, je ne pense pas que l’on sera ébloui par la qualité des sous-titres… Souvent, les traductions ne bénéficient pas de budgets conséquents. Seulement, personne ne se désabonne pas à cause de mauvais sous-titres : le spectateur change simplement de programme.

Selon moi, il y a un manque général de réflexion sur l'éditorial des plateformes, ce qui peut avoir un impact sur la diversité et la qualité des contenus proposés. Les plateformes ont parfois du mal à donner une véritable chance à tous les contenus au profit de programmes européens ou occidentaux, ce qui limite l'exposition aux œuvres provenant d'autres régions du monde. Une partie de l'offre reste ainsi cachée. Cependant, certaines industries ont réussi à se démarquer et à gagner en visibilité. Le cinéma coréen en est un exemple : autrefois confidentiel, il bénéficie aujourd’hui d’un énorme succès. Cependant, il est possible que ce phénomène soit le fruit du bouche-à-oreille plutôt que d'une stratégie de communication des plateformes.

Dans ce contexte, quel poids peuvent avoir les Prix ATAA, selon vous ?

Les initiatives telles que la cérémonie des prix de l’ATAA jouent un rôle essentiel dans la visibilité des métiers de l'audiovisuel. Elles permettent de mettre en avant le travail des professionnels de l'industrie, de valoriser leurs réalisations et de sensibiliser le public à l'importance de ces métiers. Les Prix ATAA mettent en avant les films et les sous-titres qui se distinguent par leur créativité et leur respect de l'œuvre originale : il est important de perpétuer cet enthousiasme et de reconnaître la qualité des doublages et des sous-titres, car ils contribuent grandement à l'expérience globale de visionnage.


Aujourd’hui, quels sont les enjeux selon vous ?

Il est nécessaire de veiller à ce que chaque programme, chaque série ou film, respecte les normes de qualité en matière d'adaptation, afin de garantir une offre culturelle diversifiée et enthousiasmante sur les plateformes. Dans l'ensemble, il est nécessaire de sensibiliser le public à l'importance de la qualité des sous-titrages et des doublages, ainsi qu'à la diversité des choix linguistiques. Une éducation à ce travail contribuerait à une meilleure appréciation et à une meilleure compréhension des adaptations audiovisuelles. Cela permettrait ainsi aux spectateurs de porter un regard critique sur la qualité ou la médiocrité des sous-titres ou des doublages.

Retour en images sur la Soirée des prix cinéma 2023

Vous les attendiez avec impatience, voici les photos de la soirée qui s'est tenue le 2 juin à la Sacem !

Commençons avec l'ambiance dans l'auditorium

Les discours furent parfois drôles, parfois émouvants, mais toujours inspirés

Des lauréats et des jurys heureux

Et une réception réussie !

Merci à tous d'avoir contribué, de près ou de loin, à faire de cette soirée une réussite !


Crédit photos : Rémi Poulverel

Interview de Françoise Monier

Lauréate du Prix de l'adaptation en doublage pour le film Licorice Pizza de Paul Thomas Anderson

Crédit photo : Rémi Poulverel

Depuis vos débuts il y a 30 ans, vous avez traduit les plus grands réalisateurs. Avec un tel parcours, les distributeurs et les labos vous déroulent-ils le tapis rouge ?

De façon surprenante, je n'ai pas l'impression d'être privilégiée. Mon seul avantage est de pouvoir refuser les projets trop mal rémunérés ou inintéressants de mon point de vue. Mais on ne peut pas vraiment parler de « tapis rouge », car c'est un secteur très concurrentiel. D’autant que je ne travaille pas sur les blockbusters. Mes goûts cinématographiques m’orientent plutôt vers les films d'auteur et les films d'art et d'essai. Aujourd’hui, je dois encore « lutter » pour qu’on me confie des projets. Cependant, il est arrivé que l’on vienne me chercher. Sachant que j’avais déjà traduit plusieurs films de Spike Lee, Netflix m’a sollicitée pour sous-titrer Da 5 Bloods : Frères de sang diffusé en exclusivité sur leur plateforme. Sans discuter, ils ont accepté un tarif de 5 dollars par sous-titre, mais cela demeure notre seule collaboration. Je sais qu’il y a une véritable disparité entre les films de prestige et le reste des programmes, et que même les plateformes fonctionnent à deux vitesses. Néanmoins, ma situation m’offre la liberté de dire « non » quand je le souhaite : c’est un vrai privilège.


Pendant 15 ans, vous avez travaillé en binôme avec le célèbre Jean-Pierre Carasso. Considérez-vous que l'écriture collaborative soit plus puissante et créative que la traduction en solo ?

Cette expérience a en effet engendré des résultats fantastiques. L’écriture à quatre mains apportait une dimension supplémentaire à la traduction. Lorsque l'un d'entre nous butait sur un passage, l'autre trouvait toujours une astuce pour débloquer la situation. Ensemble, nous avions acquis des automatismes. Cela fusait de tous les côtés !

Jean-Pierre était un très grand traducteur littéraire, et moi, j’étais déjà sous-titreuse de mon côté et je maîtrisais les aspects techniques qui le rebutaient totalement. Je pense que cette complémentarité a également contribué à la réussite de notre duo.

Ensemble, nous avons développé une véritable complicité et amitié. Cela a été une aventure humaine captivante. Cette harmonie et synergie étaient évidemment primordiales, car nous passions énormément de temps ensemble. Imaginez-vous : nous partagions des journées entières, assis côte à côte devant la table de montage (puis devant l'ordinateur, à l’avènement du numérique). Le midi, nous sortions toujours déjeuner dans des petits bistrots de quartier. C'était vraiment joyeux et riche en échanges intellectuels. Notre amitié allait au-delà du travail puisque nous partagions aussi la sphère familiale de l’autre : de fait, il connaissait mes enfants, et on peut même dire qu’il les a vus grandir.


Après le décès de Jean-Pierre Carasso, avez-vous cherché un nouveau binôme ?

J’ai en effet cherché d'autres collaborations, mais je n'ai pas réellement trouvé d'équivalent, sauf ponctuellement, lorsque je traduis des films depuis l'arabe avec ma collègue franco-libanaise Hélène Greiche, ou depuis le suédois avec Charlotte Drake. Mais ces langues sources ne représentent qu’un ou deux films par an. Néanmoins, ces collaborations fonctionnent à merveille, bien qu’elles soient plus occasionnelles et me donnent un peu la nostalgie de l’écriture à quatre mains.


L'évolution de la production cinématographique a-t-elle influencé ou modifié le travail de traduction ?

La grande évolution dans le domaine du sous-titrage a été l'avènement du montage numérique. Cela a permis la création de montages très rapides, avec une multitude de plans à la minute. Les traducteurs ont dû s'adapter à cette nouvelle approche, en abandonnant la règle selon laquelle les sous-titres ne devaient pas déborder sur le plan suivant. Nous avons appris à davantage suivre la bande son pour assurer la fluidité des sous-titres.

Dans le doublage, la révolution technique majeure a été le passage du film argentique en bobines (où l’on écrivait sur une table de montage, avec une gomme et un crayon sur une bande rythmo réelle en celluloïd) à l’image numérique (où l’on s’est mis à écrire devant un ordinateur, avec une rythmo virtuelle). Cette transition a nécessité une nouvelle adaptation de la part des traducteurs. Sauf pour ceux qui ont préféré jeter l’éponge… Bien sûr, d'autres évolutions techniques ont suivi, mais ces deux bouleversements ont eu un impact significatif sur les méthodes d’écriture des traducteurs, notamment dans le domaine du doublage.


Vous avez travaillé avec les comédiens français qui ont doublé les plus grands acteurs américains. Alliez-vous souvent en studio pour travailler avec eux ?

Lorsque j'ai commencé à écrire pour le doublage, on me recommandait vivement d'assister aux enregistrements pour comprendre les difficultés auxquelles les comédiens étaient confrontés. Voir comment mes textes étaient interprétés et enregistrés a grandement contribué à ma formation. J'ai ainsi réalisé que certaines choses a priori possibles sur la bande rythmo s’avéraient injouables devant l’écran. Cela m'a permis de réorienter ma façon d'écrire. Sur les plateaux, nous échangions beaucoup sur le travail. Personnellement, j'appréciais cet aspect artisanal qui permettait d’apprendre de ses erreurs.

À l'époque, nous avions aussi notre mot à dire sur le casting des comédiens français. Lors des essais, nous étions conviés pour donner notre avis sur une voix ou sur la qualité de jeu des comédiens. Mais tout cela fait partie du passé. Tout cet aspect amusant du métier a peu à peu disparu. Nous ne sommes désormais plus invités sur les plateaux d’enregistrement. Nous avons moins d'influence, c'est certain. L'auteur a été remis à sa place : il fournit son texte, le vérifie avec les clients, et c'est à peu près tout… La question de la rentabilité a conduit à cette évolution. Aujourd’hui, tout doit aller plus vite, les délais deviennent plus courts. Il n’est plus possible d’interrompre l’enregistrement pour discuter du choix d'un mot ou d’un autre.


Selon vous, pourquoi le métier d’adaptateur est-il si peu valorisé ?

Pendant de nombreuses années, le métier de traducteur audiovisuel est resté relativement confidentiel. À l’adolescence, quand je me passionnais pour le cinéma et, en particulier pour le ciné-club d’Antenne 2 – que mes parents me laissaient regarder tard le soir – on voyait toujours les mêmes noms au générique ! Par exemple, Anne et Georges Dutter, Robert Louit ou Bernard Eisenschitz faisaient partie des incontournables. C'était un métier de niche, peu valorisé et méconnu. Au début de ma carrière, il y avait seulement une vingtaine de personnes qui en vivaient réellement. La plupart exerçaient une autre activité professionnelle que la traduction audiovisuelle : certains officiaient également comme traducteurs littéraires, d’autres venaient du milieu du cinéma. Ensuite, l’arrivée des nombreuses chaînes du câble et des plateformes a développé la demande et aussi contribué à la baisse du niveau de rémunération. Tandis que la création de filières universitaires dédiées à nos métiers a augmenté le nombre de professionnels qui arrivent sur le marché à chaque nouvelle promotion. Aujourd’hui, le métier commence à être mieux connu car un plus grand nombre de personnes l’exerce. Mais cela reste un métier de l’ombre et il a fallu se battre pour que nos noms soient mentionnés à la fin du générique.


Aujourd’hui, votre travail a été distingué par un Prix ATAA. Qu’avez-vous apprécié lors de la cérémonie et de la soirée ?

C'était très plaisant de discuter avec la jeune génération qui possède une perspective différente de la nôtre sur le métier. Je pense qu'ils ont dû se battre plus dur que nous pour se lancer. D’autant qu’ils n'ont jamais connu les tarifs pratiqués à nos débuts. Pour eux, c'est complètement inimaginable. Les jeunes adaptateurs sont déterminés à défendre leurs droits. C'est génial de les voir si motivés, car ce métier a besoin d'être défendu !

Crédit photo : Rémi Poulverel

Retour sur la soirée de cérémonie des Prix de l'ATAA

Vendredi 2 juin s’est déroulée l'annuelle cérémonie de remise des Prix de l’ATAA. Cet événement, à la fois festif et joyeux, a également été l’occasion d’un bilan.

Cette année, force est de constater que l’association a bien grandi. La toute jeune pousse plantée il y a 17 ans est devenue un pilier de la profession ! Rassemblant environ un tiers des traducteurs et traductrices de l’audiovisuel – qui peut prétendre à plus grande représentativité ? – l’ATAA est désormais un interlocuteur incontournable des acteurs du secteur. Un dialogue qui se veut toujours ouvert, comme en 2022 lors des renégociations de rémunération en doublage dont les victoires prouvent encore (si c'était nécessaire) l’intérêt d’être unis.

Une unité et une solidarité parfaitement incarnées par les lauréats de cette année. Ex aequo, Lucinda Treutenaere et Emmanuel Menouna Ekani ont tous deux été couronnés du Prix de l’adaptation en sous-titrage d’un film anglophone. À cette annonce, ils ont explosé de joie, ravis de partager la vedette. Joie partagée par Éléonore Boudault, qui a remporté le Prix de l’adaptation en sous-titrage non anglophone.

Lucinda Treutenaere, Emmanuel Menouna et Éléonore Boudault, lauréat·es des prix en sous-titrage

Pleine de modestie, Françoise Monier, lauréate du Prix de l'adaptation en doublage d'un film en prises de vue réelles, n'imaginait pas recevoir ce trophée sans remercier Anne Crozat, l'autrice des textes de sous-titrage, et Jean-Pierre Carrasso, son mentor et binôme pendant 15 ans.

Françoise Monier et son trophée

Cette année, les hommages aussi ont été nombreux… Hommage à Thomas Murat, lauréat à titre posthume du Prix de l’adaptation en doublage d’un film d’animation. Mais aussi, à Samuel Bréan, un des pères fondateurs de l’ATAA, à Brigitte Lescut, autrice de sous-titrage, et Christèle Wurmser, directrice artistique. Disparus trop tôt, ils auraient cependant été fiers de voir l’ATAA devenir cette jeune adulte.

Les enfants de Thomas Murat, venus recevoir le trophée de leur père
Les forces vives des Prix

Crédit photo : Rémi Poulverel

Critères de sélection Prix ATAA

Il est sans doute temps, à une semaine de la remise des Prix ATAA 2023,
de rappeler les critères de sélection des adaptations soumises aux jurys.

Pour en savoir plus, règlement disponible ici.

Prix 2023 de la traduction de documentaires audiovisuels : 6e édition

Les candidatures sont ouvertes !

Ce prix, organisé en partenariat avec la Scam, braque le projecteur sur ceux et celles qui, par leur travail, rendent accessibles les programmes étrangers au public français : les traducteurs et traductrices de l’audiovisuel et, plus particulièrement, de documentaires.

Chaque édition du Prix nous convainc un peu plus de son utilité multiple : non seulement c’est l’occasion de distinguer le travail remarquable d’un auteur ou d’une autrice, mais c’est aussi l’occasion, avec la cérémonie qui suit, d’échanger entre collègues et avec nos clients sur les sujets qui nous rassemblent. Le Prix nous permet aussi de mettre à l’honneur la technique du voice-over, plus retorse qu’on ne le croit, ainsi que le sous-titrage de documentaire (tant d’informations à faire tenir dans un si petit sous-titre !)

Et pour participer ?

Vérifiez que votre candidature répond aux critères du Prix en consultant le règlement de l’édition 2023. Les candidatures concernent les documentaires diffusés à la télévision et sur plateformes entre le 1er mars 2022 et le 28 février 2023.

À noter : deux membres du jury 2023 travaillent chez Netflix et Éclair Vanves, ce qui exclut les programmes traduits chez ces clients pour cette édition.

Pour soumettre votre candidature, il vous suffit de remplir ce formulaire en ligne. Vous pourrez joindre les éléments (vidéos et scripts VO et VF) en suivant un lien à la fin du formulaire.

Le formulaire sera actif du 23 janvier au 28 février 2023.

Si vous souhaitez participer, mais que vous avez des difficultés à vous procurer les éléments manquants (la vidéo VF/VOST, notamment), pensez à déposer votre candidature avant la date-butoir : vous pourrez toujours nous envoyer les éléments ensuite.

Alors si vous avez signé une belle traduction cette année, n’hésitez plus : vous avez aimé l’écrire, nous voulons la lire !

En cas de doute sur la validité ou la pertinence d’une candidature, vous pouvez nous écrire à : prix-documentaire@ataa.fr

Interview d’Elsa Vandaele

Mention spéciale du Prix de la traduction de documentaires télévisés
pour Seaspiracy : la pêche en question

Félicitations pour votre distinction pour la voice-over de Seaspiracy ! Pouvez-vous nous parler en détail de ce documentaire qui traite de la surpêche et de son impact sur l’environnement ?

Il s’agit d’un documentaire très dense, fourmillant de chiffres et de données dont le rythme s’accélère progressivement. Le propos traite des déchets plastiques avant de monter en puissance avec la chasse aux dauphins au Japon et l’esclavage de pêcheurs de crevettes sur des bateaux thaïlandais. Il y a même une scène où le réalisateur se fait contrôler par la police. La musique devient palpitante… Et j’avoue que le massacre des requins et la chasse à la baleine aux îles Féroé m’ont donné des haut-le-cœur. En découvrant le contenu, j’ai aussi ressenti une pointe d’angoisse : il s’agissait d’un sujet grave, d’un sujet d’actualité et j’avais l’obligation d’en rendre compte au mieux. Évidemment, c’est le cas pour tous les projets qui nous sont confiés, néanmoins j’ai ressenti une pression supplémentaire. D’autant que ce documentaire avait des chances d’être médiatisé.

Interview de Marie Laroussinie et Christophe Elson

Lauréats du Prix de la traduction de documentaires télévisés 2022
pour Derrière nos écrans de fumée

Bravo pour ce Prix ! D’autant que vous êtes de tout jeunes adaptateurs. Parlez-nous de vos débuts dans le métier.

Marie Laroussinie : En effet, nous sommes en tout début de carrière. Personnellement, j’ai réalisé ma première adaptation fin 2016. Initialement, je m’imaginais devenir prof d’anglais. Mais après quelques heures de tutorat et de cours particuliers, j’ai compris que ce métier n’était pas fait pour moi. La révélation est survenue à l’occasion de mon stage à Dubbing Brothers en Licence 3 LEA. Lors de ma première journée passée en studio, j’ai immédiatement su que c’était là que je voulais être ! Ce stage s’est déroulé au sein de la production télé : je m’occupais de la recherche de voix, du visionnage, de la convocation des comédiens… C’est de cette manière que j’ai découvert le doublage. Cela m’a tout de suite intéressée, mais je ne connaissais rien au métier… J’ai finalement décidé de suivre le Master en traduction audiovisuelle à l’université de Nanterre. En Master 1, Dubbing Brothers m’a proposé un CDD de remplacement pour m’occuper de la préparation technique : envois en détection, envois aux auteurs, conformations, mise en place de bandes… Au quotidien, je travaillais au contact des adaptateurs, et des détecteurs avec qui je me suis formée aux logiciels. J’ai véritablement commencé la traduction durant mon année de Master 2 où on m’a confié des épisodes des Feux de l’amour.

Christophe Elson : En comparaison de Marie, je suis ultra junior dans ce métier. Je me suis lancé dans la traduction audiovisuelle il y a trois ans seulement. Grâce à son aide ! Suite à un désistement, Marie m’a poussé à saisir l’opportunité qui s’offrait à nous de traduire en binôme un épisode des Feux de l’amour. Étant bilingue, j’avais certes les bases de la langue, mais aucune méthode de travail, ni aucune connaissance des logiciels. Marie m’a formé en accéléré. Ce n’était pas toujours facile : elle a été extrêmement exigeante. Avant cela, j’avais ma société de webmarketing ; et précédemment encore, je traduisais des sites Internet. Mon parcours est plutôt atypique. Surtout si on tient compte du fait que je voulais devenir doubleur voix. Malheureusement, je n’avais ni les capacités vocales ni le talent de comédien… Après les Feux de l’amour, on m’a proposé un premier documentaire Netflix sur les incendies en Californie. Ensuite, les projets se sont enchaînés. Aujourd’hui, c’est la consécration avec ce Prix !

Retour en force du Prix de la traduction de documentaires télévisés

Après un événement retransmis en ligne en 2020 et une édition 2021 annulée, la cérémonie de remise du Prix de la traduction de documentaires télévisés a fait son grand retour en couronnant Marie Laroussinie et Christophe Elson pour l’adaptation de Derrière nos écrans de fumée de Jeff Orlowski. Mention spéciale également pour Elsa Vandaele et sa voice-over de Seaspiracy d’Ali Tabrizi. Retour sur une cérémonie électrisante !

Le jury 2022 et les lauréates - crédit photo : Brett Walsh

Mardi 4 octobre s’est tenue la 5e édition du Prix de la traduction de documentaires télévisés. Lors de cette cérémonie – chaleureusement accueillie dans l’amphithéâtre de la Scam par son Directeur général Hervé Rony – Christophe Elson et Marie Laroussinie ont été récompensés, respectivement en voice-over et en doublage synchro, pour leur adaptation extrêmement dynamique et bluffante de Derrière nos écrans de fumée de Jeff Orlowski. Une traduction qui a su retranscrire avec efficacité un univers pointu avec ses mécanismes tant techniques que psychologiques, et trouver le bon équilibre entre fidélité et liberté syntaxique. Un sans-faute selon le jury !

Interview du jury du prix de la traduction de documentaires télévisés 2022

Denis Cherer, comédien voix, comédien de théâtre, auteur et scénariste
Laurène Mansuy, chargée de programmes à Arte
Stanislas Raguenet, traducteur de l'audiovisuel et finaliste du prix en 2020
Laurence Vager, adaptatrice de voice over et directrice artistique

Le jury 2022 est complété d'Olivia Azoulay, traductrice de l'audiovisuel

Quels sont vos critères pour juger d’une bonne traduction ?

Stanislas Raguenet : Il y en a tellement ! De façon très subjective, je m’attends d’abord à être embarqué, à oublier qu’il s’agit d’une adaptation. Je suis bien sûr attentif aux trouvailles, à la créativité, à la qualité de l’écriture, ainsi qu’à l’équilibre entre trop de sagesse et trop d’éclat : il faut savoir s’approprier le texte sans pour autant lui voler la lumière. Sur un plan plus objectif, l’exercice de concision, la fidélité aux registres de langue et la précision des recherches sont bien sûr des impératifs évidents. De façon plus spécifique, en sous-titrage, je porte un regard sévère sur le repérage, qui a un impact essentiel sur la façon dont les sous-titres seront compris dans l’immédiateté du visionnage. En voice-over, l’oralité de la traduction est bien sûr un critère essentiel. Les directeurs artistiques et comédiens de doublage souffrent devant un texte qui n’a pas été relu à voix haute !