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A paradigm shift

Interview published in the SNAC* Authors' Newsletter no. 152, January 2023.

Deluxe US Collective


*National union of authors and composers

Authors' Newsletter: What are your thoughts about subtitling using an online interface?

Collective: It is a way of working that completely transforms our working conditions and also, doubtless, the work itself and - in the long term - our status. Deluxe Media Inc. ("Deluxe US"), like Eikon, Iyuno and TransPerfect which operate in similar fashion, offers a subtitling service for programmes all over the world, particularly for VOD platforms such as Netflix, Disney+ and Amazon Prime Video and, to a lesser extent, for theatrical releases. To do this, they oblige authors to work on a streaming interface; the Deluxe US one is called "Sfera". Authors can only communicate by email with their designated "Project Coordinator". The "PC"s don't know the work we do, and that is a constant source of errors and wasted time. The division of labour means that coordinators have no leeway, so they avoid all questions and use a form of Newspeak which would be worth examining in order to assess its influence on this groundbreaking project.

The countless errors with the project - errors about what the job entails; wrong versions (often not the latest) of the film being sent - give rise to a cascade of pointless emails and orders to undertake sometimes meaningless tasks. An example: having to submit three French titles for a film based on a book that already has a French title, when the film is to be released under the original title. We may sometimes receive over 100 emails for a film without much dialogue, whereas with a French company everything is settled with a dozen emails and a few phone calls.

The platform, Sfera, is inefficient and less precise than the early software from the 1980s. Not only does it crash regularly, sometimes losing our subtitles like in the '90s, back in the days of floppy disks, it also tries to impose a new working model that modifies all the steps of the subtitling process, slowly leading to the loss of our independence and autonomy.


APPEL AUX FORCES VIVES !

On a vu que lorsqu'on s'unissait, cela portait ses fruits : les collectifs ont obtenu de belles avancées en termes de revalorisation des tarifs, amélioration de certaines conditions de travail, dialogue renoué avec certains clients.

Il reste de la route à faire (augmenter les tarifs de sous-titrage, généraliser les bonnes pratiques, maintenir le dialogue avec les clients frileux, et obtenir d'être rémunérés pour des tâches annexes chronophages...).

Pourquoi je vous dis ça ?

Parce que les infos que vous venez chercher ici, vous sont bien souvent données généreusement par des consœurs et confrères qui prennent sur leur temps pour partager leur expérience avec vous.

Nous avons tous une vie, plus ou moins de travail, plus ou moins de difficultés à affronter le quotidien.

Pour nous aider, il y a notre syndicat, bien sûr (le SNAC, n'hésitez pas à adhérer : plus il y a d'adhérents, plus le syndicat a de poids face aux organismes officiels ; mais aussi le STAA et le SNAA-FO) mais aussi les associations, comme l'ATAA.

L'ATAA se bat depuis toujours pour représenter TOUTES LES AUTRICES / TOUS LES AUTEURS, quelle que soit leur spécialité.

Mais une association c'est quoi ?

Ce sont des membres, comme vous et moi, qui paient leur cotisation, comme vous et moi, MAIS QUI EN PLUS se démènent pour TOUT LE MONDE.

Une association, ce sont des bénévoles qui prennent sur le temps personnel / familial / de travail, pour accomplir des tâches sans lesquelles l'asso ne vivrait pas / ne ferait rien / ne servirait à rien ni personne.

Aujourd'hui l'ATAA compte 574 membres.

A votre avis, combien font tourner la boutique ?

HUIT.

Huit personnes seulement sont au CA.

Huit personnes seulement s'occupent de nous représenter à divers niveaux ou de dialoguer avec diverses instances (SACEM / SCAM / organisations sœurs en Europe / SNAC / ...).

Huit personnes seulement se battent quotidiennement pour améliorer NOS conditions de travail, NOS tarifs, NOS chances de trouver du travail dans des conditions décentes.

HUIT sur 574, ça fait 1 membre de CA pour 72 adhérents (environ).

C'est un peu comme si vous partiez en excursion dans la jungle avec un seul guide pour 72 personnes, qui devrait servir à la fois de guide, de médecin, de référent avec les autorités locales (pas toujours aimables), de cuistot, tout en maniant le coupe-coupe en avant de la file mais en se préoccupant de ne pas semer ceux qui sont à l'arrière...

Vous voyez mieux où je veux en venir ?

Une association ne vit que par ceux qui la font vivre : ses adhérents.

NOUS SOMMES les adhérents.

Si l'asso ne parvient plus à tourner, par manque de moyens, de forces vives, c'est nous tous qui perdrons l'occasion de continuer à travailler.

Certains pensent parfois qu'il suffit de payer sa cotisation pour être quitte.

En réalité, c'est faux.

La cotisation est plus symbolique qu'autre chose : elle indique d'abord l'appartenance à un collectif. Ensuite, elle donne à l'association les moyens de payer une salle pour se réunir, un traiteur pour avoir quelque chose à manger...

Mais elle ne rémunère pas les membres du CA pour le temps qu'ils passent à nous défendre, c'est d'ailleurs interdit par la loi 1901 dont dépendent toutes les assos (à but non lucratif, donc).

Rien à voir avec la SACEM, à qui vous payez des frais de gestion (exorbitants à mon sens) pour que des salariés s'occupent (plus ou moins efficacement) de vos dossiers.

Aujourd'hui, l'ATAA a besoin de sang neuf (là, vous pouvez imaginer une scène sacrificielle sanguinolente mais en vrai, je voyais plus une grande fiesta où tout le monde s'éclate).

L'ATAA a besoin de forces vives.

Quelqu'un m'a dit : "c'est de bras, de cerveaux et de bonne volonté qu’on manque".

Et ça tombe bien : parmi nous, je SAIS qu'il y a des cerveaux, des bras et de la bonne volonté.

Alors promis, aider le collectif, ça fait pas mal, ça prend pas tout le temps de la vie, parce qu'en vrai, plus y a de bras (plus y a de chocolat), plus la part de chacun est légère à porter.

On l'a vu : le collectif porte ses fruits.

Tout le monde y gagne.

On va plus loin.

On a tous plus de chances de s'en sortir.

Alors engagez-vous (qu'ils disaient) : adhérez... et surtout, aidez !

Prenez contact avec info@ataa.fr 😊

Que la force soit avec nous...

Associativement vôtre.

Plateformes : la grande braderie des sous-titres

Entretien avec une traductrice expérimentée

(Retrouvez la version anglaise ici)

Maï, tu as récemment fait part dans le forum de l'ATAA d'une proposition d'un de tes clients. Peux-tu nous en dire un peu plus ?

J'ai été contactée par un grand laboratoire parisien en décembre 2022 pour sous-titrer une série phare, très prestigieuse, une mini-série dont ils me proposaient tous les épisodes avec un délai très confortable (4 mois pour 7 épisodes de 45 minutes). On m'a annoncé le tarif de 16 € la minute (repérage à faire).

On m'a prévenue qu'il y aurait beaucoup de documents annexes : tableaux à remplir, localisation list (liste de termes récurrents ou significatifs pour la série, dont le client souhaite contrôler et harmoniser la traduction entre le doublage et le sous-titrage), liste des textes écrits à l'écran… Ces documents demandent beaucoup de travail supplémentaire et de la coordination entre les équipes de doublage et de sous-titrage. Ces travaux annexes, qui se sont multipliés ces dernières années, ne sont malheureusement pas rémunérés. Mais des discussions sont en cours par l'intermédiaire de collectifs d'auteurs afin qu'ils le soient. La chargée de projet avait l'air de s'excuser de l'ampleur de ces tâches et avançait qu'un dédommagement pour la simulation [étape de relecture et de vérification du sous-titrage] pourrait être envisagé afin de compenser cette surcharge de travail.

D'abord séduite par le projet et par l'équipe de doublage dont je connaissais l’un des auteurs, entraînée par mon envie et par le thème de la série, j'ai donné mon accord de principe. Mais après avoir réfléchi quelques jours, j'ai fait des calculs. Quand un programme est assez bavard, comme le sont souvent les séries, on peut compter en moyenne 18 sous-titres par minute. Le tarif proposé équivalait donc à 88 centimes le sous-titre, alors que j'ai la chance de travailler habituellement entre 3,50 € et 4,30 € le sous-titre. J'ai alors rappelé la chargée de projet pour refuser, lui expliquant que ce tarif n'était pas adapté et que, ayant à cœur de défendre de bons tarifs pour toute la profession, je ne pouvais décemment pas accepter un tarif aussi bas.

C'était la première fois que j'étais contactée pour un programme à destination d'Amazon en sous-titrage. On m'a proposé en parallèle un doublage avec un tarif relativement correct, (28,60 € la minute) et j'ai accepté.

Ce genre de propositions, c'est nouveau, pour toi ?

Oui, c'est assez récent. Je commence depuis peu à recevoir des propositions pour les plateformes, avec des tarifs régulièrement très corrects. Ce projet Amazon était le premier à m'être proposé à un tel tarif. J'espère que mon refus aidera les collectifs qui s'emploient à lutter pour nos tarifs à obtenir une revalorisation indispensable.

Ce tarif de 16 € la minute contenterait un certain nombre d'auteurs. Qu'est-ce que cela t'inspire ?

C'était la première fois qu'on me proposait un tarif aussi bas. Certaines plateformes établissent des tarifs selon le prestige des programmes. Amazon n'a pas l'air d'avoir adopté cette politique.

Quoi qu'il en soit, quel que soit le prestige du programme, ce tarif n'est pas du tout à la hauteur des qualifications et de l'expérience nécessaires pour faire ce travail. Il faut en plus déduire les charges, l'équipement, etc. Cela oblige à une cadence de travail pour gagner sa vie correctement que je trouve incompatible avec la qualité, mais aussi avec une vie familiale et sociale normale. Cela rend esclave du travail.

Pourquoi certains travaillent-ils alors à ce tarif-là ?

La passion et l'enthousiasme sont les principaux moteurs de nos métiers. Ils conduisent beaucoup de traducteurs à accepter ces conditions, notamment en début de carrière, avec la promesse illusoire de jours meilleurs. Je comprends qu'ils aient l'impression de ne pas pouvoir faire autrement. Je sais aussi qu'il est plus facile pour moi de refuser les mauvais tarifs, car j'ai la chance de travailler pour des projets prestigieux, en général pour le cinéma. Mais j'estime que c'est dans l'intérêt de n'importe quel traducteur d'avoir cette démarche, d'être exigeant et de ne pas se brader.

Une étude de la fédération européenne des associations d'adaptateurs audiovisuels (AVTE), à paraître prochainement, montre ainsi que les auteurs les mieux payés sont ceux qui négocient leur tarif, indépendamment de leur expérience ou de leur formation.

Oui, car en réalité, en refusant de mauvais tarifs, on se donne la possibilité de travailler avec plus de temps, ce qui est essentiel, notamment pour progresser en début de carrière. On se construit ainsi une image, une réputation, un meilleur profil professionnel (plus qualitatif), qui, je le crois, peuvent apporter à terme de meilleurs projets et de meilleurs tarifs, dans de meilleures conditions. Une fois identifié comme adaptateur.trice de qualité, en pratiquant des tarifs cohérents, on se voit proposer plus facilement de meilleurs projets et de meilleurs tarifs. C'est un cercle vertueux. Au contraire, en acceptant des tarifs trop bas, on est vite catalogué et cantonné aux projets les moins rémunérés. On doit travailler davantage, on enchaîne les projets, au détriment de la qualité, et sans se laisser la possibilité de chercher de nouveaux clients. On s'enferme dans un cercle vicieux qui ne laisse ni le temps ni l'énergie d'en sortir. C'est pourquoi il est très important d'établir un tarif plancher et de s'y tenir, surtout en début de carrière. Pour moi, c'est une question de professionnalisme autant que de solidarité avec la communauté des traducteurs audiovisuels. Et il s’agit aussi de respect de soi : c’est en se respectant soi-même qu’on inspire le respect d’autrui.

Devrait-on défendre un référentiel officiel de tarifs minimum ? Y aurait-il alors un risque que tous les tarifs s'alignent à ce minimum, au détriment des auteurs les mieux rémunérés ?

Il y a quelques années, avec l'apparition des plateformes, une nouvelle catégorie de projets est apparue pour les clients. Pour nous, le travail reste le même. Cependant, le marché nous a imposé de définir un tarif différent selon l'exploitation des programmes (TV et plateformes d'un côté, cinéma de l'autre). On constate aujourd'hui que les tarifs cinéma restent à part. Ils n'ont pas connu la baisse constante des autres types d'exploitation. Je ne crois pas que l'imposition d’un tarif minimum tirerait les prix vers le bas.

Je ne suis pas personnellement menacée par la baisse des tarifs, mais nous ne sommes qu'une poignée dans mon cas. Cela me semble d'autant plus important de prendre position et de le faire savoir. J'ai à cœur de défendre toute la profession, les jeunes, les moins jeunes, les débutants autant que les autres. Peut-être que ma position permettra de renforcer le message que nous essayons de faire passer tous ensemble.

Revenons à ce tarif de 16 €. Pour un programme de 45 minutes, cela représente 720 €. En appliquant le tarif que les organisations professionnelles et toi estimez juste, le sous-titrage aurait ici coûté environ 2835 €. La différence entre un bon et un mauvais tarif est donc, dans ce cas, de 2115 € par épisode, ce qui semble assez anecdotique pour des œuvres disposant de budgets de production et de diffusion qui se chiffrent en millions, voire en dizaines de millions de dollars. Comment expliques-tu cela ?

Je ne me l'explique pas. Cela me sidère, c'est aberrant. Comment peut-il y avoir un tel gouffre entre les budgets faramineux de ces projets et les tarifs ridicules, scandaleux qu'on nous propose ? Pour l'adaptateur, la différence est considérable, mais à l'échelle du coût global des programmes, c'est insignifiant. On dégrade toute une profession et la qualité des œuvres pour économiser des cacahuètes. Et au quotidien, les auteurs se retrouvent à négocier âprement pour quelques centaines, parfois quelques dizaines d'euros.

Je sais que la quantité de projets est phénoménale et les enjeux financiers, au cœur des préoccupations de nos clients finaux. Mais à l'échelle de chaque production, c'est une goutte d'eau. Je ne maîtrise pas tous les arcanes des circuits de production et de diffusion, mais cela me semble dingue. Comment se fait-il que je puisse être payée quasiment 10 fois plus que d'autres auteurs pour le même travail avec le même client final ? Y compris pour des programmes "tête de gondole" qui ont coûté des millions à produire. Où va l'argent ? Le travail pour nous est le même. Qui décide qu'un projet va être traduit au rabais à l'étranger et qu'un autre va être traduit en France ? Pourquoi certains projets méritent une traduction professionnelle et d'autres pas ? Qui décide de tout ça ? Sans nous, les projets ne pourraient pas être diffusés dans le monde entier. Nous sommes un rouage essentiel du circuit de distribution des œuvres.

En quoi le sous-titrage, ou le doublage, sont-ils essentiels à la diffusion d'une œuvre ?

L'œuvre vit d'elle-même en version originale, quand on comprend la langue. Notre travail est de la rendre accessible au spectateur qui ne comprend pas cette langue, le plus discrètement possible, dans le respect de l'œuvre originale. Notre objectif, dirais-je même, est d’essayer de la mettre en valeur. Quand je choisis un mot, c'est pour porter le sens, le transmettre le mieux possible et avec force. Notre adaptation peut permettre de lui donner une force impressionnante. Il y a des phrases en doublage qui résonnent sur des générations et peuvent devenir des références culturelles.

Dans Patries imaginaires, Salman Rushdie écrit : "On suppose généralement que quelque chose se perd toujours dans la traduction. Pour ma part, je m'accroche à l'idée qu'on peut aussi y gagner quelque chose."

Absolument. Certaines adaptations sont mythiques. Seule une adaptation professionnelle peut atteindre ce niveau de qualité. Un amateur traduit des mots, un bon professionnel traduit des idées, des émotions, et en matière d'adaptation audiovisuelle, le registre est encore plus large, puisque nous composons aussi avec l'image, le son, la syntaxe du montage ou des plans.

On pourrait dire qu'une bonne adaptation en sous-titrage ou en doublage permet au spectateur d'avoir une expérience infiniment plus complète, de recevoir une œuvre qui lui serait sans nous inaccessible. Quand le travail est bien fait, il ne se rend même pas compte qu'un adaptateur est passé par là. À l'inverse, une adaptation ratée, non professionnelle, peut rendre un programme totalement irregardable.

Selon l’étude EGA, sur 15 000 clients de plateformes interrogés, 65 % ont cessé au moins une fois en un an de regarder un programme à cause de son adaptation. Et 30 % sont forcés d’arrêter un visionnage chaque mois. Certains attribuent cette baisse de qualité à une pénurie d'adaptateurs, ou du moins de bons adaptateurs.

En réalité, beaucoup de sous-titrages partent à l'étranger pour être payés beaucoup moins chers ! Il y a suffisamment d'auteurs de qualité en France pour faire face à la demande, dont bon nombre cherchent du travail, mais ils ne peuvent plus travailler à n'importe quel prix. Certains de nos clients sont manifestement beaucoup moins intéressés par la qualité. Pour des raisons budgétaires contestables, on se passe par exemple de simulation, de vérification [les étapes de relecture d'une adaptation], ce que regrettent aussi d'autres intervenants (les directeurs artistiques en doublage, par exemple).

Parfois, le sous-titrage semble considéré comme le parent pauvre de l'adaptation. Même si leur démarche a échoué, le fait que Netflix ait fait appel à des amateurs pendant quelques mois pour sous-titrer ses projets en est l'illustration. Et cela a renforcé l'idée que le sous-titrage était facile, que n'importe qui pouvait s'y adonner comme à un loisir. On constate aujourd'hui que ce préjugé a la vie dure. D'ailleurs, la qualité des sous-titrages Netflix est régulièrement mise en cause dans les médias et les réseaux sociaux.

D'où vient ce désintérêt pour la qualité chez certains diffuseurs ?

L’une des raisons qui pourrait expliquer cette baisse d’exigence est peut-être qu’au sein des plateformes, les responsables des « localisations » (mot que je déteste) rajeunissent, ils viennent du commerce. Ils n'ont parfois plus de réelle sensibilité artistique ou cinématographique. Ils vendent des « produits ». Cette évolution a commencé il y a une vingtaine d’années, au moment de la multiplication des chaînes câblées, quand la quantité de travail s’est mise à augmenter. Désormais, les sous-titres ne sont plus qu'un détail des transactions d'achat et d'exploitation de contenus.

Certains projets sont ainsi confiés à des intelligences artificielles, vaguement relues par des opérateurs humains qui ne disposent même pas toujours de l'image. Nous constatons tous le résultat catastrophique que cela peut donner. Pour moi, ce qu'on appelle intelligence artificielle, dans nos métiers, c'est à la fois l’une des plus grosses menaces et l’un des plus gros échecs à venir. Une intelligence artificielle sera toujours artificielle. Elle ne permettra jamais de transmettre les nuances, les émotions, ce qui fait l'humanité des projets audiovisuels que nous adaptons. Les choix que nous faisons pour peser chaque mot, chaque virgule et les mettre au service de l'œuvre que nous adaptons, la machine en est incapable. Je suis convaincue que le second degré, l'ironie, les sous-entendus, le choix entre le tutoiement et le vouvoiement, par exemple, resteront à jamais l'apanage de l'humain.

Cet engouement pour le tout automatique a déjà des retentissements sur notre manière de travailler, sur les outils que certains clients nous imposent. Le mot « productivité » remplace rapidement le mot « qualité », et je trouve ça très triste.

Comment sortir de cette spirale infernale ?

Je crois que les avancées obtenues par les collectifs en matière de doublage [augmentation du tarif de doublage pour le rapprocher du tarif vidéo-plateforme de 33 € bruts / minute préconisé par les organisations professionnelles] sont un premier pas encourageant. En matière de sous-titrage, les résultats sont pour le moment moins concluants. Alors il faut nous faire entendre. Nous l'avons dit, les spectateurs restent sensibles à la qualité. Et après tout, ce sont eux que nous servons. Ce sont eux, nos clients finaux. Plaignons-nous auprès des plateformes quand des conditions inacceptables nous sont imposées par les intermédiaires, négocions nos tarifs, faisons connaître au public la véritable origine des problèmes qu'il constate, les conditions dans lesquelles nous travaillons. Et puis les forces vives sont nombreuses. Je vois arriver tous les jours de jeunes adaptateurs passionnés, doués, décidés à « sauver » nos métiers. Les formidables collectifs ont ouvert la voie, ils ont prouvé qu’en unissant nos forces, on peut obtenir de très beaux résultats. Alors continuons, serrons-nous les coudes, nourrissons la vague, faisons bloc bruyamment pour défendre notre travail !

Fighting for our Rates

A Subtitler Speaks from Experience

(To read the French version, click here)

Maï, in the ATAA forum, you recently told us about a job one of your clients offered to you. Can you tell us more about it?

A large postproduction studio in Paris contacted me in December 2022 about subtitling all the episodes of a very prestigious, very successful mini-series with a very comfortable turnaround time (4 months to do 7 45-minute episodes). They told me the rate would be 16 € per minute (for both adaptation and timespotting).

They also told me there would be a lot of extra work I’d have to do, like filling in tables, preparing a list of on-screen texts and a localisation list which is a list of recurring and/or important words specific to the series the client wants so they can check everything and ensure a uniform translation for both the dubbing scripts and the subtitles. Preparing these documents requires a lot of additional time and coordination with the dubbing and subtitling teams. For this extra work they ask us to do, which has increased significantly over the past few years, we don’t receive any compensation. But author groups are currently in discussions to get this work included in the list of paid tasks. The project manager seemed apologetic about the amount of extra work to be done and said that she could possibly pay me for the simulation [the step where the subtitles are proofread and checked with the programme] as a way to compensate me for the extra work.

At first, I was excited to work on this project and with the dubbing team. I knew one of the authors, and I liked the subject of the series. So, my desire to be part of the project led me initially to accept the job in principle. But after thinking about if for a few days, I did the math. When a programme has a lot of dialogue, which is often the case with a series, there’ll usually be about 18 subtitles per minute on average. At the rate they were offering, that worked out to 88 cents per subtitle. I’m lucky enough to have the opportunity to work regularly on projects that pay between 3.50 € and 4.30 € per subtitle. So I called the project manager back and refused the job because the rate was inappropriate. I explained to her that, being a staunch defender of proper rates for the profession, I could not, in good conscious, agree to such a low rate.

It was the first time that I was getting contacted to subtitle a programme that would run on Amazon. Along with that, I was also offered a dubbing project at a relatively acceptable rate of 28.60 € per minute, and I accepted that one.

Is this type of offer new to you?

Yes, it’s quite new. I recently began getting offers for the platforms with rates that were usually quite good. This Amazon project was the first one I was offered with such a low rate. I hope my refusal will help the author groups, which are currently fighting for our rates, to obtain a much-needed increase.

Certain authors would be pleased with this rate of 16 € per minute. What do you think of that?

It was the first time anyone was offering me such a low rate. Certain platforms base their rates on the programme’s prestige. Amazon doesn’t seem to have taken that route.

Be that as it may, regardless of a programme’s prestige, that rate does not at all align with the qualifications and experience required to do this work. You also have to deduct your expenses, the cost of your equipment, etc. That forces you to work more in order for a project to be profitable, which I think is incompatible with quality, and a normal family or social life. You become a slave to your work.

Why then do some authors agree to work at that rate?

In our line of work, passion and enthusiasm are the main drivers. They incite a lot of translators to accept these conditions, especially early in one’s career, with the naïve hope that better things await around the corner. I perfectly understand that they have the impression that they have no choice. I also know that it’s easy for me to refuse unacceptable rates because I’m lucky to be able to work on prestigious projects, usually for the cinema. But I feel it’s in the interest of any and all translators to adopt this approach, to stand firm and not short-change yourself.

A study conducted by Audiovisual Translators of Europe (AVTE), which will be published soon, shows that the best-paid authors are the ones who negotiate their rates, irregardless of their experience or training.

Yes, because in reality, refusing bad rates gives you more time to work, which is essential, especially when you’re just starting your career. You’re building an image, a reputation, a better, more qualitative professional profile, which, I believe, in the long run will attract better projects, better rates and better working conditions. Once you’re recognised as a quality translator, who works for proper rates, you’re more likely to be offered better projects and better rates. It’s a virtuous circle. However, when you accept rates that are too low, you’re quickly labelled and given the worst-paid projects. You have to work more, one project after the other, possibly even sacrificing quality, and you’re left with no opportunity to look for new clients. You get locked into a vicious circle with no chance to have the time or energy to break out of it. That’s why it’s very important to set a base rate and stick to it, especially early in your career. For me, it’s about professionalism and solidarity with the community of audiovisual translators. And it’s also about self-respect. When you respect yourself, you inspire others to respect you.

Should we support the idea of an official, minimum base rate for the work we do? Would we run the risk of having all rates align with this minimum, to the detriment of the best-paid authors?

A few years ago, when the platforms arrived on the scene, our clients got a new category of projects to work with. For us, the work is the same. However, the market forced us to define a rate based on where the programme would be shown, with television and platforms on one side and theatrical (cinema) on the other. Today, we see that the theatrical rates are still in a separate class. They have not been constantly reduced like the ones for other types of distribution. I don’t think that imposing a minimum rate would drive the rates down overall.

I’m not personally affected by the drop in rates, but there’s only a handful of us in my situation. I think it’s all the more important to take a stand and make it known. I want to defend our entire profession, authors of all ages as well as experienced authors and beginners just starting out. Maybe my position will enable us to strengthen the message we’re all trying to get out.

Let’s go back to the rate of 16 €. For a 45-minute programme, that amounts to 720 €. Using the rate that you and industry professionals recommend, the subtitling would have cost about 2835 €. The difference between a good and bad rate is, in this case, 2115 € per episode, which seems insignificant given the production and distribution budgets these programmes have. How do you explain this?

I don’t understand it. It blows me away, it doesn’t make sense. How can there be such a huge gap between the astronomical budgets for these projects and the measly and insulting rates they offer us? For the person adapting the programme, the difference is quite significant. But considering the global production costs for these programmes, that’s peanuts. And they’re degrading the industry and the quality of the programmes because of it. And on a daily basis, authors end up having to fight for a few extra hundred euros, or even just a few extra euros.

I know there is a phenomenal number of projects out there, and our end clients are certainly very concerned about the financial aspect. But looking at each individual production, it’s a drop in the bucket. I don’t have a crystal ball to see what’s really happening behind the scenes as regards the production and distribution process, but it seems crazy to me. How is it that I can be paid nearly 10 times more than other authors for the same work and for the same end client? Including the hit shows that cost millions to produce. Where is the money going? The work is always the same for us. Who decides that a project will get a cheap translation abroad while another will be translated in France? Why are some projects entitled to a professional translation and others are not? Who makes those decisions? Without us, these programmes would never be able to be distributed around the world. We’re an essential cog in the distribution wheel for these programmes.

Why is the subtitling or the dubbing of a programme essential for its distribution?

The original language version of the programme stands on its own when you understand the language. Our work is to make it accessible, as discreetly as possible, to viewers who don’t understand the language while remaining faithful to the original work. I would say our goal is to try to make it shine. When I choose a word, it’s to carry a message, to transmit it as strongly and as best as possible. Our adaptation has the possibility to give it incredible strength. There are lines from dubbed programmes that still resonate with new generations that can become cultural references.

In Imaginary Homelands, Salman Rushdie writes: "It is normally supposed that something always gets lost in translation; I cling, obstinately, to the notion that something can also be gained."

Absolutely. Certain adaptations have become classics. Only a professional adaptation can attain those heights of quality. A bad amateur translates words. A good professional translates ideas and emotions. And in the case of audiovisual adaptation, the register is even broader because we have to take into account what’s on the screen, the sound, the editing style and the shots.

We could say that good subtitling or dubbing adaptation allows the viewer to have an infinitely more complete experience and let’s them discover a work that, without us, would be inaccessible. When the work is done well, viewers don’t even realise an adapter crossed their path. However, when the opposite it true, a bad, unprofessional adaptation can make a programme completely unwatchable.

According to a study conducted by the Entertainment Globalization Association (EGA) based on 15,000 consumers of streaming platforms, 65% said they stopped watching a programme because of its adaptation at least once in the year. And 30% are forced to stop watching something each month. Some say the drop in quality is due to a lack of adapters, or rather good adapters.

In reality, a lot of subtitling work is sent abroad because it’s a lot cheaper! There are enough competent, quality authors in France to handle the demand, and many of them are looking for work, but they can’t work for just any rate. Some of our clients are clearly less interested in quality. For questionable budgetary reasons, simulations and verifications, which are the phases where an adaptation is reread and checked, are no longer carried out. Others involved in the postproduction process, such as artistic directors are not pleased about this either.

Unfortunately, in the realm of audiovisual adaptation, I’m afraid subtitling gets the short shrift. Even though Netflix’s approach failed, the fact that they used amateurs for a few months to subtitle their programmes is a good illustration of that. It reinforced the idea that subtitling was easy and that anyone could do as a hobby. We now see that that false and misleading idea stuck. Furthermore, the quality of the subtitles for Netflix is regularly flagged in the media and on social networks.

Where does this lack of interest in quality with distributors come from?

One possible explanation for this reduction in stringency is that the “localisation” managers, (a term I hate actually) are getting younger. They have a business background. They no longer really have any artistic of cinematographic sense. They sell "products". This trend started about 20 years ago when the number of cable channels was going up exponentially and the amount of work started increasing. As a result, subtitles are nothing more than an element in a sales and content distribution agreement.

Certain projects are processed using artificial intelligence, and the results are more or less checked by human operators who don’t even always see the programme. We’ve all noted the horrendous results that such a process yields. As I see it, what’s called "artificial intelligence" is both one of the biggest threats and one of the biggest failures out there to come along for the work we do. An artificial intelligence will always be artificial. It will never be able to communicate nuances and emotions, which give the programmes we adapt their humanity. When we adapt a programme, we spend time thinking about each word we choose, each comma, so that we do the programme justice. A machine can’t do that. I’m convinced that we, humans, will continue to be the masters of translating irony, sarcasm, double-entendre, and formal and informal registers ("tu" or "vous"), for example.

This excitement over all-things-automatic has already had an impact on how we work and on the tools that certain clients force us to use. The word "productivity" is quickly replacing the word "quality", and I think that’s very sad.

How do we break out of this vicious circle?

I think the collective bargaining actions are yielding encouraging results. They’re heading in the right direction for dubbing projects [an increase in the dubbing rate has moved it closer to the industry-recommended rate of 33 € ]. As for subtitling, for the moment, the results have been much less conclusive. We need to get heard. We’ve said it before, viewers are conscious of quality and it’s important to them. After all, the work we do is for their benefit. They are the ultimate end customer. Let’s complain to the platforms when unacceptable working conditions are imposed on us by the intermediaries. Let’s negotiate our rates, let’s tell the public about the real origin of the problems they’ve noticed, namely the working conditions we have to deal with. There’s a lot of great energy out there. Every day, I see talented young adapters, who are passionate about what they do and who are committed to “saving” our trade. The amazing author groups blazed the trail. They’ve proven that great results can be achieved by joining forces. So let’s keep the momentum going! Let’s stick together. Let’s ride the wave. Let’s stand united and make some noise to defend our livelihood!

English translation: Débora Blake

Un changement de paradigme ?

Entretien publié dans le Bulletin des Auteurs du SNAC (Syndicat national des auteurs et des compositeurs), numéro 152 – janvier 2023.

Bulletin des Auteurs – Que pensez-vous du sous-titrage sur interface en ligne ?

Collectif – Cette manière de travailler induit une transformation complète de nos conditions de travail mais aussi certainement de notre métier et, à terme, de notre statut. La société Deluxe Media Inc. (« Deluxe US »), comme Eikon, Iyuno ou TransPerfect qui fonctionnent de la même manière, propose de sous-titrer les programmes pour le monde entier, notamment pour les plateformes de VOD (Netflix, Disney+, Amazon Prime Vidéo…) et, dans une moindre mesure, pour les sorties en salles. Pour ce faire, ils imposent aux auteurs de travailler sur une interface en streaming nommée, chez Deluxe US, « Sfera ». L’auteur ne peut communiquer que par mail avec le « Project Coordinator » qui lui est attribué. Ces « PC » ne connaissent pas notre métier, ce qui est une source constante d’erreurs et de perte de temps. La division du travail fait que le coordinateur n’a aucune latitude, alors il esquive toute question, en usant d’une novlangue qu’il serait intéressant d’étudier pour évaluer son influence dans ce projet novateur.

Les erreurs innombrables concernant le projet, erreurs sur le travail à accomplir, erreur d’envois de la version du film, qui n’est pas toujours la dernière en date, provoquent une cascade de mails inutiles, et d’injonctions à accomplir des tâches qui n’ont parfois pas de sens. Comme, par exemple, l’obligation de soumettre trois titres français pour un film tiré d’un livre qui a déjà un titre en français, alors que le film sera diffusé avec son titre original. On peut parfois recevoir plus de 100 mails pour un film peu bavard, alors qu’avec un laboratoire français tout se règle en une dizaine de mails et quelques appels.

La plateforme Sfera n’est pas performante, pas assez précise (moins que les premiers logiciels des années 1980) et, outre le fait qu’elle plante régulièrement, faisant à l'occasion disparaître nos sous-titres comme dans les années 1990 au temps des logiciels à disquette, elle tente d’imposer un nouveau modèle de travail qui modifie toutes les étapes du sous-titrage, pour nous amener lentement vers la disparition de notre autonomie et de notre souveraineté.

B. A. : Quelles sont les différences principales ?

Collectif – La première étape est celle du repérage, tâche technique qui consiste à découper le dialogue en sous-titres vides. C’est une étape cruciale, qui n’a rien d’automatisable : le découpage doit suivre le rythme du dialogue et tenir compte du montage, afin de permettre une lecture fluide. Chez Deluxe, le repérage est fait par une machine ou par quelqu’un qui ne connaît rien à notre travail, et obéit aveuglément à des normes absurdes. En outre, un seul repérage est effectué pour les versions du monde entier, c’est-à-dire pour toutes les langues cibles, ce qui est une hérésie puisque, suivant la langue dans laquelle on traduit, on ne découpera pas le texte de la même manière. Deluxe prétend procéder ainsi pour que les auteurs de sous-titres puissent l’adapter à leur langue mais c’est de la mauvaise foi, c’est seulement une économie pour eux puisqu’ils ne font qu’un repérage, et que les auteurs doivent finalement le refaire quasi intégralement. Du moins, quand les auteurs en ont le droit, ce qui est très rare, surtout hors de France. Quelques auteurs facturent un supplément pour la reprise du repérage, mais tous ne sont pas en position de le faire car le rapport de force joue en leur défaveur. L’auteur reçoit donc une liste de sous-titres vides mal faite, appelée “template”. À l’opposé, lorsqu’on travaille sur nos logiciels, il est possible d’apporter tous les changements de repérage que l’on souhaite, modifier les time-code, rassembler deux sous-titres, les séparer, etc. Cela paraît anodin mais un bon repérage, c’est une étape cruciale dans l’élaboration d’un bon sous-titrage.

Chez Deluxe, il est interdit de modifier le repérage pendant toute la durée de l’adaptation, la deuxième étape du sous-titrage. Ce n’est que sur la dernière version du programme, une fois le montage jugé définitif, que l’autorisation est accordée d’opérer des changements. L’auteur adapte donc à l’aveugle dans un premier temps, en faisant le pari que s’il prévoit tels changements de repérage, l’adaptation conviendra. Ce n’est qu’à la dernière relecture qu’il saura s’il avait raison. En temps normal, l’auteur tâtonne, se questionne, essaie des choses qui ne fonctionnent pas toujours, bref, ce que fait tout humain au travail : il réfléchit.

B. A. – Pourquoi n’a-t-on pas le droit de toucher au repérage avant la fin ?

Collectif – Parce que Sfera est tellement automatisé qu’il ne peut pas le gérer, ce qui trahit un manque de professionnalisme et de savoir-faire, et indique clairement que l’ensemble du processus n’est pas conçu pour nous laisser modifier le repérage. Un exemple de plus de l'automatisation comme source d’inefficacité, d’autant que Deluxe peut nous demander de travailler pendant des semaines sur des versions non définitives pour finalement nous laisser deux jours en bout de course pour tout reprendre sur l’image finale.

La troisième étape, c’est la simulation. Lorsque le travail est fini, on se rend habituellement dans un laboratoire pour visionner le film avec la cliente ou le client, et la personne chargée de cette opération au sein du laboratoire. C’est un moment essentiel où l’on montre notre travail à des regards neufs, des gens qui pensent, qui réagissent à ce qu’ils voient, et nous échangeons en direct pour améliorer la qualité du travail. Au contraire, sur cette interface, cette étape de la simulation ne peut avoir lieu dans la majorité des cas, puisqu’on ne se parle pas, on ne se voit pas. Il y a seulement un « Quality Check » (QC), fait par on ne sait qui, on n’a aucun contact même par mail avec cette personne ou cette machine qui balance des corrections qu’il nous est seulement possible d’accepter ou de refuser en cliquant sur le bouton prévu à cet effet. « Oui » ou « Non », aucune nuance, aucune discussion. Parfois, cette relecture à distance est même faite par Deluxe sur la version non définitive, ce qui revient à une perte de temps colossale pour tout le monde. Certains clients ou réalisateurs imposent tout de même une simulation, alors même qu’ils confient le sous-titrage à Deluxe, car il faut rappeler que cette société n'est finalement qu’un prestataire technique, dont le rôle devrait être de se mettre au service de la qualité de l’œuvre et de l’adaptation.

Cette organisation, très hiérarchisée, fonctionne de manière totalement rigide et la lourdeur des procédures et des prises de décisions entraîne des retards et un manque de souplesse dommageables à la qualité, notamment dans l’urgence imposée lorsque les réalisateurs font des modifications de leur œuvre jusqu’au moment de la diffusion, ce qui est fréquent, mais ce ne sont pas les seuls cas. Nous avons calculé que l’interface et les processus nous font perdre environ 40 % du temps alloué à la traduction. Ainsi, alors que la phase adaptation est la plus importante, et que l’étape des QC est très secondaire, Deluxe part du principe inverse et privilégie les QC. Par contraste, avec nos clients et les labos traditionnels basés en France, nous parlons le même langage et nous mettons tous nos efforts au service d’un travail de qualité livré dans les délais, même très courts, ce qui semble absolument impossible avec Deluxe.

B. A. – Quelles seraient les conséquences si ce modèle s’imposait ?

Collectif – Pour vous donner une idée de ce qui nous attendrait si le modèle proposé par Deluxe s’imposait, vous pouvez lire l’analyse du sous-titrage français du film Roma, publiée sur le blog de l’Ataa. La qualité catastrophique de nombre de sous-titrages sur Netflix et Amazon s’explique principalement par ces conditions de travail, couplées, pour la grande majorité des traducteurs – choisis par ces prestataires sur des sites d’amateurs comme ProZ – à des rémunérations indignes, largement inférieures au Smic horaire.

Mais le plus grave, ce sont les problèmes de fond posés par cette nouvelle façon de travailler. Nous assistons potentiellement à une surveillance à distance des traducteurs, nous sommes obligés de nous connecter pour travailler, ce qui nous limite dans notre choix du lieu où travailler, car il faut une excellente connexion. Deluxe peut tout connaître de notre rythme de travail : à quel moment on se connecte, quel jour ou à quelle heure on travaille et on ne travaille pas, une jauge calcule en pourcentage notre progression, combien de sous-titres sont créés par jour. Cela paraît anodin mais pourrait entraîner des dérives et des entraves à notre liberté d’indépendants.

En outre, le logiciel est fait de telle manière que les sous-titres, au fur et à mesure de leur création, sont captés par l’interface, il est donc impossible de sauvegarder nos différentes versions, auxquelles il est pourtant parfois utile de revenir pour comparer et donner droit à des « repentirs ». Il nous est également impossible d’exporter nos sous-titres pour les relire, ou de les imprimer à partir de l’interface, nous devons pour cela demander au Project Coordinator d’exporter nos textes pour faire la relecture, et encore, à condition qu'il accepte. C’est une perte de temps, ce qui est d’autant plus incompréhensible que d’autres logiciels en streaming pour d’autres labos le permettent sans restriction.

Il reste également difficile de connaître le nom de l’auteur du doublage, et donc d’échanger pour harmoniser le travail et améliorer la qualité finale. La seule « communication » passe encore par un document en ligne qui met souvent les auteurs de sous-titrage devant le « choix accompli » concernant les traductions imposées de certains termes ou expressions ; et ce, très souvent en toute dernière phase d'adaptation voire après, ce qui oblige à revenir sur des heures de réflexion au lieu de réfléchir en amont avec l'auteur.e de la VF. Toutes ces contraintes sont souvent justifiées par Deluxe comme des mesures de sécurité, mais cet argument n’est-il pas un moyen d’abuser de son pouvoir et de prendre le contrôle du travail d’auteur ? Où est le danger de communiquer entre auteurs pour assurer une meilleure qualité à l’œuvre ?

B. A. – Quelles sont les visées de ce nouveau modèle ?

Collectif – On peut se demander pourquoi ce nouveau système confisque nos textes, quel est l’intérêt de ces plateformes de nous imposer cette manière de travailler ? Est-ce pour nous habituer à l’idée de nous déposséder et de nous mener vers un changement de paradigme et le début de la fin du droit d’auteur ? D’autre part, une question annexe, mais qui mérite d’être posée, surgit : nos textes happés par Deluxe servent-ils à « engraisser » les machines à traduction artificielle ?

Une colonne « Traduction automatique » a, à une époque, été proposée sur Sfera, qui délivrait une traduction déjà faite, et corrigeable. Cette option a rapidement été écartée pour la France, nombre d'auteurs l'ayant tout bonnement refusée. Mais notons qu'accepter cette proposition reviendrait pour l’auteur à devenir post-éditeur, et peu à peu, il n’y aura en effet plus de raison de lui permettre d’accéder à ses textes car il ne sera plus auteur de l’œuvre, seulement un technicien correcteur sous-payé. Nous perdrons alors toute notre souveraineté. L’auteur, ce sera la machine, et c’est le correcteur qui deviendra interchangeable.

NB : Il convient de lever toute confusion entre Deluxe Media Inc., la société américaine dont nous parlons ici, et Deluxe Paris Media, qui est un laboratoire de sous-titrage et un studio de doublage basé à Paris.

L'Auteur, le maillon indispensable

A l’heure où la guerre des plateformes et des contenus continue de faire rage et à l’heure où la concentration des entreprises dites de localisation continue de s’amplifier, l’ATAA, l’Association des Traducteurs et Adaptateurs de l’Audiovisuel, tient à rappeler à tous les acteurs de la chaîne de postproduction qu’elle est et restera extrêmement vigilante concernant les conditions de travail et de rémunération des traductrices et des traducteurs.

Elle rappelle la place centrale des autrices et auteurs. Sans ces femmes et ces hommes, aucun sous-titre exécuté dans les règles de l’art n'apparaîtrait en bas de l’écran, aucune version française doublée ne pourrait être enregistrée. Les comédien·nes se retrouveraient face à des rythmos et des pages blanches, les ingénieur·es n’auraient aucun dialogue à enregistrer. Les prestataires techniques seraient alors incapables de livrer de PAD à leurs clients, qui ne pourraient alors diffuser aucun programme étranger. C’est un travail à la fois artistique et technique mené par une chaîne de professionnel·les. Et les professionnel·les que nous sommes méritent une rémunération à la hauteur de leur savoir-faire, de leurs compétences et de leur valeur, et des conditions permettant la réalisation d’un travail de qualité, dans le respect des auteurices et œuvres d’origine et du public.

Elle rappelle aussi à chaque membre de la communauté des traductrices et des traducteurs que nous sommes des indépendant·es et qu’en tant que tel·les, nous n’avons pas à nous laisser imposer de mauvaises conditions de travail et des tarifs indécents. La négociation fait partie de la relation avec nos clients, qui ne sont pas nos employeurs. Chaque tâche mérite rétribution décente. Et parce qu’ensemble, on est plus forts et on va plus loin, il est important de rester solidaires entre nous et de faire corps, notamment grâce aux associations professionnelles.

Elle rappelle également l’absolu non-sens de l’utilisation de la traduction dite automatique et enjoint toutes les traductrices et tous les traducteurs à dénoncer cette pratique et à ne pas nourrir la machine ni passer derrière elle.

Elle rappelle enfin qu’elle se tient disposée à toute réunion de travail avec les clients diffuseurs ou prestataires techniques pour œuvrer dans le bon sens et dans le respect de chacun·e.

Sous-titrage automatique, les traducteurs humains sont vent debout !

En tant qu'association regroupant plus de 550 professionnels de l'adaptation audiovisuelle (sous-titrage, doublage et voice-over, audiodescription, jeux vidéo), l’ATAA souhaite alerter les adaptateurs, les commanditaires, les diffuseurs, les réalisateurs, scénaristes, monteurs, toute personne participant à la création d'œuvres audiovisuelles, ainsi que le public qui s’intéresse aux films, aux séries et aux documentaires.

Une grande plateforme, pour préparer son lancement en France, a sollicité des prestataires techniques qui ont massivement recours au sous-titrage “automatique".

On le sait maintenant, la traduction automatique est un oxymore, puisqu’un humain ne traduit pas des mots, mais du sens. Or aucune machine ne comprend l’information qu’elle traite, elle ne fait que des corrélations statistiques et ne voit même pas l’image qu’elle est censée sous-titrer. À la trappe, l'esthétique, l'intention, le ton, le son, le respect du montage et du rythme. Une machine ne saisit pas le contexte, ne peut pas faire de poésie, de style, ne peut pas manier l’ironie ni jouer sur les mots. Bref, elle ne peut pas mettre d’humanité derrière les mots. Au passage, elle pille le travail des auteurs, car les bases de données sur lesquelles elle s’appuie sont alimentées par les traductions réalisées depuis des décennies par des hommes et des femmes, sans que ces dernier.es aient donné leur accord. Rappelons qu’une traduction est protégée par le Code de la Propriété Intellectuelle et que l’auteur qui en est à l’origine a un droit moral qu’il faut respecter.

Et comme, sans surprise, ça ne marche pas (on vous explique pourquoi ici, avec des exemples), les promoteurs de cette technologie comptent sur nous, adaptateurs professionnels, pour corriger, "post-éditer". Mission impossible, puisque la bouillie produite par la machine doit être réécrite quasiment entièrement. Au bout du compte, pour obtenir un vrai sous-titrage, cette méthode s’avère plus coûteuse en temps, en argent et en énergie que de faire appel dès le départ à des professionnel.les. On en parle dans le détail.

Nous appelons donc à la mobilisation :

  • des adaptateurs qui ne veulent pas devenir des robots correcteurs de robots : Refusez en bloc ces travaux !
  • de tous les acteurs de la chaîne de production et de diffusion qui ne veulent pas voir leurs œuvres trahies et dénaturées : Défendez la qualité des adaptations réalisées par des êtres sensibles et humains et rejetez ces pratiques !
  • des spectateurs qui préfèrent continuer à voir des œuvres correctement traduites plutôt que des “produits” massacrés par des machines : Faites entendre votre voix !

Article modifié le 03/10/2022 à 18 h 30, suite à un entretien avec les représentants de la plateforme. Ils nous ont affirmé que la qualité des adaptations leur tenait à cœur et qu'ils étaient contre la pratique d'automatisation de l'adaptation. Celle-ci tend cependant à se développer et notre article la dénonce, quels qu’en soient les responsables. Cela ne changeant rien aux offres de travail reçues par les adaptateurs, nous avons choisi d'anonymiser le communiqué, sans pour autant le supprimer complètement.

Machine-translated subtitling – human translators are up in arms

We are ATAA, a 550-strong French professional audiovisual translation association (subtitling, dubbing, voice-over, audio description, and video games) and we want to alert fellow translators, clients, broadcasters, directors, scriptwriters, editors, and all people involved in creating audiovisual works, as well as the viewers of films, series, and documentaries.

A major streaming platform, preparing to launch in France, has turned to subcontractors who massively use machine-translated subtitling.

It is now well-known that machine translation is an oxymoron, because humans do not just translate words – they translate meaning. And no machine can understand the information it is processing. It only makes statistical connections. It can’t even see the images it is supposed to be subtitling. So forget about aesthetics, subtext, tone, sound, editing and rhythm. A machine cannot handle poetry, style, nor employ irony or wordplay. In short, it cannot convey humanity through words. Nonetheless, it plunders the work of real authors, since the databases it needs use translation works made over decades by people who have never been asked for their consent. In France, translation in artistic fields is protected by the Intellectual Property Code and the translator has a moral right which must be respected.

Unsurprisingly, machine translation doesn’t work (here are examples why). Those who sell this technology count on us, professional translators, to correct – or “post-edit” it, as they say. Mission impossible! The nonsense churned out by the machine has to be rewritten almost completely. In the end, to obtain decent subtitling, this method proves more costly in terms of time and energy than employing professionals directly (this Manifesto from AVTE, the European federation of audiovisual translators, explains it all).

We therefore call out to:

  • translators who refuse to become machine correctors: Reject these jobs systematically!
  • all audiovisual professionals who do not want to see their work ruined: Stand up for quality translation made by real humans and say no to these practices!
  • viewers who prefer to enjoy properly translated works rather than products that have been butchered by machines: Make yourselves heard!

Article modified on October 3 2022, at 6 PM, following an interview with representatives from the platform. They stated that quality adaptations are very important to them and that they are against machine-translated subtitling. However, this practice is developing, and our article denounces it, regardless of who is responsible. As this does not change the job offers received by subtitlers, we have chosen to remove the platform's name from the press release, without deleting it completely.

Pourquoi la traduction automatique, ça ne marche pas vraiment, et encore moins en audiovisuel ?

Petit billet d'humeur d'un être humain, qui aime le progrès
et les nouvelles technologies,
mais pas quand elles sont destructrices de valeur et d'humanité.

La traduction automatique repose sur un principe simpliste : un mot dans une langue a un équivalent direct dans une autre. C’est le degré zéro de la traduction. L’automatisation s’est améliorée quand elle a davantage pris la phrase comme unité de sens. Mais ça ne va pas plus loin. La machine réduit le langage humain à un langage informatique très binaire, vide de sens et d’émotions. En bref, elle dépouille les mots de leur humanité.

Dépasser la traduction relais

Avec le développement des plateformes, l’offre de programmes étrangers non-anglophones s’est considérablement élargie.

Pour sous-titrer ou doubler ces œuvres, le recours à une « langue pivot » ou « langue relais » se multiplie. Cette pratique n’est pas récente, mais l’ATAA tenait à rappeler ses conséquences dans un contexte de massification sans précédent de l’offre audiovisuelle.

Ce texte est un courrier envoyé à tous les laboratoires de post-productions, diffuseurs et distributeurs.

À l’heure où les canaux de diffusion explosent, à l’heure où délais et budgets sont sous pression, la tentation est grande d’aller au plus vite et au moins cher. C’est une erreur stratégique.

La traduction audiovisuelle est un exercice de synthèse, de choix, d’adaptation et d’interprétation. Travailler à partir d’une langue relais, c’est à la fois limiter les éléments qui permettent de comprendre l’œuvre originale, et rétrécir l’éventail de ses choix. C’est multiplier le risque d’erreurs et de contresens immanquablement générés par une traduction « brute» bâclée car peu rémunérée. C’est perdre la saveur des références et des jeux de mots, et les niveaux de langue qui font l’épaisseur, et même la cohérence (on pense notamment aux tu/vous), d’une œuvre audiovisuelle.

Accorder de l’importance à cette étape cruciale, ce n’est pas seulement témoigner de son respect pour l’original, c’est l’une des meilleures façons de se démarquer de la concurrence. Il serait dommage de s’en priver, car il est plus simple que jamais de trouver la perle rare :

- L’annuaire de l’ATAA, qui compte aujourd’hui plus de 500 membres, permet d’effectuer une recherche par langue source et spécialité. Notre association est par ailleurs en lien avec tous les membres de sa fédération européenne qui regroupe 17 pays.

- Lorsqu’on ne trouve pas quelqu’un qui maîtrise la traduction audiovisuelle et/ou peut traduire vers le français, il est possible de travailler en binôme avec une personne maîtrisant la langue originale du programme. L’essentiel, dans ce cas, étant que cette personne soit justement rémunérée sur la prime de commande et les droits de diffusion, dans le cadre d’un accord avec l’auteur qui signe l’adaptation.

Cette démarche est constructive car elle légitime nos compétences à tous, sociétés et auteurs, ce qui contribue à la pérennité du secteur au lieu de participer à son délitement. Elle vous permettra donc de trouver l’appui de professionnels qui sentiront leurs compétences reconnues et vous aideront volontiers à trouver la meilleure solution. En retour, les commanditaires ne pourront que reconnaître la plus-value concrète apportée par cette approche. À terme, l’investissement est donc largement rentable.

Les mirages de la post-édition

Atterrée par les piètres sous-titres espagnols de la série à succès Squid Game diffusée sur Netflix, et rejointe en cela par l'Association internationale des traducteurs et interprètes professionnels, l'Association espagnole des traducteurs-adaptateurs de l'audiovisuel (ATRAE) fait une mise au point sur la post-édition, présentée comme le nouvel eldorado de la traduction. En adaptant le communiqué de l'ATRAE du 13 octobre, l'ATAA se joint à cette prise de position.

Le SquidGate donne l'occasion de démontrer toute l'absurdité et l'inefficacité de la traduction automatique (aujourd'hui appelée "artificielle") alliée à la post-édition. Comme l'Atrae, nous appelons les grandes plateformes audiovisuelles à se garder de cette pratique néfaste pour les spectateurs, pour les œuvres, et qui mine un secteur essentiel déjà très fragilisé.

En vitrine des plateformes, la recherche de qualité de l'adaptation et de traducteurs "talents" ; dans l'arrière-boutique, des machines qui ne comprennent pas, si gavées de data soient-elles, avec des auteurs qui doivent rattraper les pots cassés. Parlons clairement. Tout le marketing des vendeurs de traduction automatique ne pourra jamais masquer l'évidence : traduire, ce n'est pas traduire des mots, mais du sens. C'est là que le terme "intelligence artificielle" s'avère totalement usurpé, car aucune machine ne comprend ce qu'elle "traduit". L'opération est purement statistique, les algorithmes puisant dans d'immenses réservoirs de données pour aligner les mots selon leur probabilité d'occurrence dans un contexte donné. Et non seulement la machine ne comprend pas le texte, mais elle ne voit pas l'image. Il faut donc confier le résultat forcément raté à des humains seuls capables d'en faire des phrases intelligibles et sensibles. Or cette succession d'étapes décousues sera toujours moins réussie (d'aucuns diront "performante") qu'une véritable traduction.

En tant que traducteurs d'œuvres de l'esprit, nous-mêmes auteurs, nous nous devons de poser une question : pourquoi confier une œuvre, quelle qu'elle soit, à un algorithme de traduction dont l'inefficience impose une "post-édition" par un auteur professionnel ? La réponse est évidente : pour payer les "post-éditeurs", c'est-à-dire les traducteurs, deux, trois, cinq fois moins cher, tout simplement. Car "post-éditer" signifie en réalité réécrire.

Le tour de passe-passe ne s'arrête pas là. Les récents "progrès" de la traduction automatique ne sont dus qu'à l'augmentation de la puissance de calcul et de la quantité de données humainement produites aspirées pour nourrir les bases de données. Aucune ambiguïté, la machine ne comprend toujours rien. Cet accaparement des données pose une autre question, celle du droit d'auteur : que nous sachions, nous n'autorisons pas nos commanditaires à utiliser nos traductions pour alimenter un quelconque système d'intelligence artificielle. Il y a là un risque juridique réel.

Cerise sur le gâteau, ce choix de la traduction automatique au détriment de la considération envers les traducteurs et les spectateurs semble d'autant plus décalé qu'il s'accompagne d'une hausse du coût de l'abonnement Netflix. Des bénéfices accrus pour une baisse de qualité ?

Au vu du rôle indispensable de l'adaptation linguistique dans le développement et le succès des plateformes, celles-ci auraient tout intérêt à faire confiance aux talents humains des traducteurs et adaptateurs, qui sont vastes et variés et, contrairement aux logiciels, déjà tout à fait au point. C'est le seul moyen, pour les nouveaux grands acteurs de l'audiovisuel, d'offrir de la qualité.

Faute de quoi, cette course à la médiocrité sapera leur réputation, leur fera perdre des clients et des revenus, et précarisera encore un secteur hautement spécialisé, à la croisée de la technique et de l'artistique. Vision à court terme, échec à long terme.

Clients et spectateurs, nous vous encourageons à faire connaître, autant que vos coups de cœur pour les œuvres, vos coups de gueule devant les mauvaises traductions d'un contenu pour lequel vous payez religieusement chaque mois ; que ce soit de façon publique via les réseaux sociaux, ou en signalant directement le problème sur vos plateformes.


* Article du Guardian

Coup de gueule et cri du cœur

Régulièrement, sur un groupe Facebook de traducteurs et traductrices de l'audiovisuel, on peut lire : "Mais que font les syndicats ?" "C'est à l'ATAA de faire bouger les choses !" "Faut faire ceci... y a qu'à faire cela..." "Faut que le SNAC s'empare du sujet !" Et régulièrement, mon sang ne fait qu'un tour.

Au risque de le répéter une millième fois : les organismes qui représentent les auteurs et autrices sont ce que ces mêmes auteurs et autrices en font ! S'il y avait plus d'engagement parmi les collègues, les associations et les syndicats mèneraient plus d'actions, arriveraient à mobiliser plus de monde, auraient plus d'impact et de poids face aux labos, aux clients, aux distributeurs...