Prix de la Traduction de documentaires télévisés 2019 - Entretien avec Caroline Barzilaï

Lauréate, avec Malkiel Itzhaky, du Prix de la Traduction de documentaires télévisés pour Golda Meir, Premier ministre

Félicitations pour votre récompense ! C’est la deuxième fois que vous recevez le prix ATAA de la Traduction de documentaires télévisés. Qu’est-ce que cela avait changé en 2017 ?

Le changement concerne essentiellement la perception de mon propre travail. Même avec 20 ans d’expérience, je remets sans cesse en question mes pratiques. D’autant que dans notre profession, nous n’avons que peu de retours des clients ou de l’enregistrement des comédiens… Je suis amenée à beaucoup réécrire. Souvent, je me demande si c’est ce qui est attendu. Ce Prix me confirme que j’ai la bonne démarche.

Qu’est-ce qui vous amène à beaucoup réécrire les textes ?

Je fais le choix de la réécriture par nécessité car la qualité des documentaires qu’on me confie accuse aujourd’hui une baisse générale. Contrairement aux interviews, que je traduis toujours de manière très fidèle, la narration – qui est un discours construit avec un angle, un plan, une argumentation, des transitions et une conclusion – n’est pas toujours réussie. On ne peut pas se contenter de laisser un propos confus ou un angle qui ne tient pas la route sur la longueur du documentaire.

Cette réécriture de la narration relève-t-elle d’une exigence personnelle ou d’une demande client ?

On ne peut pas se satisfaire d’une qualité médiocre car les chaînes sont demandeuses d’une version française de meilleure qualité. Cela n’est pas dit explicitement, sauf de manière ponctuelle. Mais si la VF est mauvaise, cela nous sera reproché. Même si cela est dû à une version originale elle-même mauvaise. Quoi qu’il en soit, les traducteurs se retrouvent seuls face à leurs choix. Dans notre profession, il n’y a pas de dialogue direct entre traducteurs et diffuseurs. Les laboratoires, pour leur part, brassent de gros volumes et ne se demandent pas s’il faut réécrire. Ce sont avant tout des techniciens ou des commerciaux…

Sachant que les tarifs n’ont pas été revalorisés depuis 20 ans, je me demande parfois si je n’en fais pas trop. Néanmoins, j’effectue toutes ces vérifications et corrections parce que j’endosse la responsabilité de ce que j’écris. Les traducteurs s’apparentent à des accoucheurs d’idées pour les réalisations et les narrations qui ne sont pas très bien ficelées. Notre traduction doit retranscrire un propos clair. Parfois, on comprend l’idée du réalisateur en filigrane, mais faire une traduction mot à mot est strictement impossible. Il faut reformuler l’idée pour la faire passer.

Outre la réécriture, vous dites qu’il vous arrive aussi de corriger le contenu de la version originale.

J’effectue un gros travail de vérification des informations – outre la recherche du vocabulaire français. Lorsque je rencontre des erreurs factuelles, je décide de les corriger. En effet, les erreurs ne sont pas voulues, il ne s’agit pas d’une intention de l’auteur. Par exemple, lors de la traduction d’un documentaire sur la Lune, j’ai identifié que le Ramadan était le neuvième mois de l’année musulmane et non pas le premier comme indiqué dans la VO. J’ai évidemment rectifié l’information.

Pour la traduction de Golda Meir, Premier ministre, comment avez-vous collaboré avec Malkiel Itzhaky ?

Dans un premier temps, nous avons travaillé chacun de notre côté. J’ai traduit l’allemand et l’anglais, tandis que Malkiel traduisait l’hébreu. Ensuite, nous avons échangé nos traductions sans toutefois en faire l’harmonisation, qui avait été confiée à une relectrice. À titre personnel, j’avais pris connaissance des interventions en hébreu via la traduction allemande qu’Arte fait systématiquement réaliser. Dans un deuxième temps, nous avons travaillé ensemble pour les sous-titres, nos bureaux n’étant qu’à 10 minutes l’un de l’autre. Cela a été un gain énorme en termes d’efficacité et de temps.

Vous avez 20 ans d’expérience et Malkiel est un tout jeune traducteur. Que vous inspire ce type de collaboration ?

Les jeunes auraient un grand bénéfice à travailler avec des traducteurs plus expérimentés. À l’heure actuelle, le métier ne permet que peu d’échanges, contrairement à ce qui se pratiquait il y a 20 ans. La relecture et la simulation étaient précédemment organisées dans les labos : cela faisait partie de la commande. Désormais, tout se fait à distance, sans que traducteurs et relecteurs se retrouvent dans la même pièce pour échanger sur le texte.

Pensez-vous envoyer votre candidature pour le Prix 2020 ?

Je souhaite une longue vie au Prix ATAA ! Je remercie tous ceux qui l’organisent et j’appelle les traducteurs à le faire vivre en proposant leur candidature. Son but est de faire connaître le métier et de créer un lieu de rencontre – le temps d’une soirée – entre les chaînes, les traducteurs, les laboratoires et les directeurs artistiques mais également les comédiens et les ingénieurs du son. Au final, savoir à qui le Prix est décerné est secondaire.

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