Impact professionnel du Covid-19, bilan provisoire

Le 21 mars dernier, quatre jours après le début du confinement en France et sept jours après la fermeture des écoles, nous avons lancé un questionnaire afin de commencer à mesurer l'impact de la crise du Covid-19 sur nos métiers et nos vies. Il a été clos hier soir, 1er avril. Voici une synthèse des données recueillies.

En premier lieu, l’ATAA remercie les 283 auteurs, qu’ils soient membres ou non de notre association, qui ont pris la peine de répondre à ce sondage. Il est certes encore imparfait et parcellaire, et il faudra évidemment le compléter par un questionnaire plus précis pour évaluer l’ampleur de nos pertes. Mais il va nous permettre de transmettre des chiffres concrets aux pouvoirs publics et à nos sociétés d’auteurs, ainsi qu'à nos clients directs ou indirects qui n’ont sans doute pas en tête toute la difficulté de notre situation, et c’est extrêmement précieux.

Voici d'abord l’analyse graphique des réponses aux questions fermées.

La quasi-totalité des participants ont la traduction audiovisuelle comme activité principale. Ce sondage est donc représentatif de notre population.

Deux précisions : parmi les réponses, 70 % émanent de membres de l'ATAA et 30 % de non membres. Par ailleurs 209 répondants sont membres de la SACEM et 169 de la SCAM.

Nous avons ensuite posé les trois mêmes questions (annulation, report, date de report) pour chacune de nos trois spécialités majeures, à l’exception donc de la traduction de scénario, de l’audiodescription et du sous-titrage à destination des sourds et malentendants.


DOUBLAGE

Pour ce qui est du doublage, les annulations étaient encore relativement peu nombreuses (environ 15 %). Et seule la moitié des projets prévus avaient été reportés. Manifestement, quand le matériel (image + script) était déjà disponible, les laboratoires n’ont souvent pas décalé les dates de rendu, même si l’enregistrement était a priori reporté sine die. L’objectif est sans doute d’avancer un maximum pour anticiper la reprise. Seuls les projets pour lesquels les éléments manquaient ont été reportés. Pour les auteurs concernés, c’est la triple peine : perte de revenus immédiate, absence totale de visibilité et perspective de perdre les projets qui devaient leur être confiés s’ils se télescopent avec d’autres.


SOUS-TITRAGE

Côté sous-titrage, la conjonction de l’annulation des festivals, du report des sorties de films et de l’arrêt du tournage des séries US a déjà un impact sur les auteurs. Le sous-titrage n'étant pas soumis aux contraintes d'enregistrement comme le doublage, on aurait pu croire qu'il serait moins affecté par le confinement, il n'en est rien. En revanche, on constate moins de reports qu'en doublage (34 %), de façon compréhensible puisqu’il n’est pas besoin de mobiliser comédiens, directeurs artistiques et ingénieurs du son pour finaliser le PAD.


VOICE-OVER

Pour la voice-over, les annulations sont moins nombreuses qu’en doublage (moins de 8 %). Là encore, quand le matériel était disponible, c’est souvent le choix du maintien qui a été fait. Les reports touchent tout de même près de 30 % des projets, la plupart sans date fixée. La différence avec le doublage est que les chaînes ont la possibilité de choisir de sous-titrer les programmes plutôt que de les voicer, et également d’effectuer des enregistrements à distance, certains comédiens étant équipés en home studio.


Nous avions par ailleurs demandé aux auteurs qui le pouvaient déjà de chiffrer leurs pertes. En cumulant les trois spécialités, une trentaine d’auteurs ont annoncé des pertes allant de plusieurs centaines à plusieurs milliers d’euros chacun.

Mais c’est surtout la question du ralentissement, voire de l’arrêt de l’activité qui est évidemment dans toutes les têtes. À la date du lancement de ce questionnaire, le confinement était encore tout récent. Nous sommes désormais dans le dur, avec au moment de cette synthèse la prolongation du confinement pour 15 jours au moins. Un petit sondage interne à l’ATAA confirme qu’à de rares exceptions près, aucun auteur n’a reçu de commande depuis le début du confinement. Il faut donc s’attendre, pour tout le monde, à un ou deux mois « blancs », sans commande et donc, sans aucun projet à facturer.

Un très grand nombre d’auteurs signalent par ailleurs qu’ils sont sans nouvelles de leurs interlocuteurs au sein des laboratoires et des studios, y compris pour ce qui est des notes de droit d’auteur en attente.


Nous passons maintenant aux questions à réponse libre.

À la question "L'État pourrait mettre en place des aides spécifiques pour notre secteur. Selon vous, quel type d'aide correspondrait le mieux à nos besoins ?", voici une synthèse, que cette réponse de l'un ou l'une d'entre vous résume assez bien :

Dans le meilleur des mondes, on aurait les mêmes aides que les salariés et/ou les entreprises, mais en attendant, une aide financière serait rassurante pour les plus chanceux et vitale pour les autres.

Dans le détail, les solutions que vous proposez concernent à la fois la situation actuelle, l'urgence, mais certains et certaines envisagent aussi à plus long terme une modification de notre statut, pour une plus grande stabilité de revenus.

Pour les mois qui viennent :

1/ "Obtenir les 1500 euros réservés aux indépendants ce serait déjà pas mal !"

Une grande majorité des réponses évoque une aide financière équivalente à un chômage technique / partiel. Cette aide, vous lui donnez toutes sortes de noms, ce qui n'est pas très étonnant car on a besoin de procéder par analogie avec d'autres statuts : "dédommagement forfaitaire", "revenu de base pour tou.te.s", "une indemnité", "revenu minimum compensatoire équivalent au SMIC", " revenu minimum défiscalisé".

Vous posez bien sûr la question du calcul de cette aide : s'agira-t-il d'une somme forfaitaire (sorte de revenu universel garanti) ou d’une somme proportionnelle à un revenu de référence ? Mais dès lors, comment calculer cette "assiette" : sur la même période en N-1 ? Sur une moyenne des revenus des trois années précédentes ? Et quelle proportion de ce revenu de référence ? 50 % ? 80 % ? Vous vous demandez aussi à partir de quand toucher cette aide. Tout de suite ? A partir de mai ? De juin ? Une fois toutes vos notes de droits d'auteur acquittées ?

Il faut souligner que le souci d'équité est très présent dans vos réponses, sur l'air de "il ne faudrait pas prêter qu'aux riches".

Dans l'idéal, je pense qu'il faudrait que ceux qui en temps normal gagnent le moins touchent plus sur cette période, car les plus fragiles et les plus précaires vont être plus violemment touchés puisqu'ils ont a priori moins d'argent de côté pour voir venir.

2 / "Le remboursement du trop-perçu des cotisations de l'année dernière serait le bienvenu. Alléger ou reporter les cotisations URSSAF."

Vous êtes aussi nombreux et nombreuses à suggérer une suspension temporaire, voire une annulation des cotisations sociales sur une période donnée (mars, avril, mai, pour commencer).

3/ "Année blanche pour les cotisations retraite"

L'allègement, l'étalement, la suspension (optionnelle, en laissant le choix de cotiser à ceux qui peuvent), voire la prise en charge par les pouvoirs publics des cotisations IRCEC 2020, fait bien sûr partie des outils évoqués, pour "soulager les finances de professions comme les nôtres qui n'ont aucune trésorerie".

Voilà les grandes lignes des solutions que vous envisagez dans l'immédiat. Mais de façon plus générale, certains et certaines d'entre vous vont au-delà de l'urgence actuelle pour proposer à plus long terme des solutions pour atténuer la précarité inhérente à nos métiers et que cette crise va mettre cruellement en lumière. Autant de pistes pour l'après-pandémie ?

En règle générale, un statut plus protecteur, qui serait de toute façon une revendication légitime, même sans crise du Covid-19.
Je pense que ça pourrait être l'occasion de se poser la question plus globale d'une mise en place d'une cotisation chômage qui nous ouvrirait des droits aussi le reste du temps.

Ce questionnaire aura eu au moins pour mérite de nous montrer toute la richesse des réflexions que nous menons, seuls ou en commun, dans notre confinement. Une situation qui nous est sans doute plus familière qu'à d'autres, puisque nous travaillons souvent chez nous, mais qui nous touche pourtant tout aussi violemment.
Voici quelques derniers verbatims éloquents pour clore cette synthèse.

Tout ce qui aide la filière audiovisuelle est bon à prendre. Un plan de relance pour le moment où les salles rouvriront, une aide aux petits distributeurs, et un soutien accru aux festivals reportés. Une loi anti-trust spécifique aux médias. La mise au pas fiscale des plateformes, sur leurs bénéfices engrangés en France. Plus spécifiquement, on avait déjà des demandes en cours pour le respect de nos conditions tarifaires, les chartes sont déjà rédigées, si le CNC se penche dessus c'est bien (rêvons un peu).
Il y aura beaucoup de conséquences qui ne sont pas envisagées dans ce questionnaire : arrêt des productions US donc retard dans les commandes bien après la "reprise" normale en Europe le temps que les programmes soient remis en prod et achevés (on avait senti de forts effets similaires lors de la grève des scénaristes US) - baisse des ressources publicitaires donc baisse de CA des diffuseurs TV + baisse évidemment de l'exploitation salles = baisse des droits d'auteurs (là aussi, effet-retard dû au délai entre diffusion et répartition par les SPRD).

Pour conclure, voici des liens sur les mesures à l'heure où nous publions :

Et la page de la SCAM régulièrement mise à jour sur les mesures qui concernent les auteurs et les autrices en cette période exceptionnelle :
http://scam.fr/detail/ArticleI...

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