Pitié pour les étrangers

Si le scénario doit parvenir dans un pays en dehors de la France ou de l’Italie, disons en Espagne, au Maroc ou en Tunisie, le folklore et les idées reçues coulent à flots.

Dernièrement, par exemple, le protagoniste napolitain arrivait dans un hôtel miteux d’Afrique du Nord où la première chose qu’il voyait, c’était une colonne de punaises traversant le plafond. J’ai enlevé les punaises. J’en ai personnellement côtoyé dans une mansarde de la rue Vignon, à la Madeleine.

Quand on parle ensuite des « femmes arabes aux chairs débordantes qui se trémoussent, chargées d’amulettes… », j’essaie d’adoucir, de façon à ne heurter ni les sentiments ni la religion du pays qui va recevoir le texte. C’est tout de même déplaisant d’apprendre que chez moi, les femmes sont monstrueuses et grotesques…

J’aimerais que le contraire se produise et que le scénario d’un Arabe parle des femmes européennes décharnées et squelettiques, aux visages tirés par les liftings, aux coudes pointus et aux genoux cagneux.

En italien, on dit des « indigènes » et des « nègres ». Ce n’est pas insultant. Pour la France, qui tient beaucoup à sa façade de non-racisme, il faut faire attention. Mettre pour indigènes, les « autochtones » ou les « gens du coin », et pour les nègres, les « hommes de couleur », ce qui est très long !, à la rigueur les « noirs ». Je me souviens qu’en 1955, me trouvant un soir aux Halles avec Enrico Fulchignoni1, celui-ci provoqua un scandale en nous disant joyeusement : « Avant dîner, allons prendre un Negroni », l’apéritif à la mode à cette époque-là. Un « homme de couleur » marchant sur le trottoir devant nous se retourna et nous abreuva non pas de « Negroni », mais d’injures, croyant qu’on parlait de lui. Cette histoire m’a beaucoup frappée. Nous avons été incapables de dissiper le malentendu – car pourquoi un « Negroni » ? Pour la couleur de ce cocktail ?

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