Dossier

de nouvelles formes de doublage à la télévision italienne

Entretien avec Stefano Mondini, acteur, comédien de doublage, directeur artistique et président de l’ANAD

Le fait de « dramatiser » le voice-over, c’est-à-dire de passer d’une lecture plus ou moins plate à une semi-interprétation du personnage interviewé est, selon moi, un usage établi depuis déjà un certain temps. En tant que spectateur, je me souviens de l’avoir remarqué pour la première fois dans un documentaire qui reconstituait, dix ans après, l’attentat du 11 septembre 2001. Mais vous avez certainement des informations plus précises « de l’intérieur ». En tant qu’acteur, vous semble-t-il que le genre y ait gagné ou que cet ajout d’interprétation rende, paradoxalement, plus faux quelque chose qui était vrai ?

Certes, la dramatisation de l’interprétation des voice-over n’est pas nouvelle, ou plutôt, il y avait auparavant deux écoles : les uns souhaitaient une interprétation plus neutre, les autres plus affirmée. Ces dernières années, on a préféré aller dans cette deuxième direction, en vertu du ton toujours plus narratif qu’ont pris les documentaires. Au début, en effet, la plupart des documentaires étaient surtout consacrés à la nature et à la vie des animaux. Quand quelqu’un était interviewé, il ne parlait que du sujet traité et uniquement d’un point de vue technique. Aujourd’hui, les sujets se sont diversifiés : sujets sociaux, vie quotidienne, pathologie comportementale, monde économique et ainsi de suite. Je crois que si certains produits ont du succès en Italie, c’est notamment grâce à cette dramatisation qui reproduit fidèlement l’original. Bien entendu, ce n’est pas du doublage pur, qui est tout autre chose.

D’un point de vue « syndical », le similsync et le voice-over, dont parle la convention, désignent-ils la même chose, ou bien ce genre de doublage est-il une nouveauté qui échappe de ce fait à la réglementation ?

Le similsync est apparu ces dernières années. Il s’agit d’une technique qui coûte beaucoup moins cher que le doublage synchrone et qui, actuellement, représente le même coût que le traitement classique des documentaires. C’est une méthode qui n’existait pas auparavant et qui ne figure donc pas encore dans les dispositions de la convention collective nationale. Par conséquent, les tarifs appliqués sont alignés arbitrairement sur ceux du voice-over.

Quelles réflexions cela vous inspire-t-il, étant donné le succès de ces produits et les excellents résultats financiers des chaînes qui les produisent ?

Discovery reçoit des éloges pour son bilan financier positif, mais dans le même temps, ses rapports avec le secteur du doublage se dégradent. La tendance est de payer ces travaux toujours moins, chose qu’à l’ANAD nous ne pouvons pas accepter. Nous devrions avoir une reconnaissance adéquate. Dans quelles proportions, c’est ce que nous verrons lors du renouvellement réglementaire de la convention1.

Pour conclure, le monde du doublage est-il vraiment un nouveau far west ou voyez-vous se dessiner des horizons plus sereins ?

Le monde du doublage n’est pas, et ne deviendra certainement pas, un nouveau far west. Et tant que je serai président de l’ANAD, je ferai tout mon possible pour l’éviter. C’est essentiel pour préserver notre réputation mondiale de professionnalisme. Les artisans du doublage, et j’y inclus les directeurs artistiques, les dialoguistes, les assistants, les comédiens, les ingénieurs du son, les « synchronisateurs2 » et tout le personnel qui fait avancer ce secteur, sont des personnes hautement qualifiées. Il est important de reconnaître le savoir-faire qu’ils ont toujours apporté à cette entreprise extraordinaire qu’est le doublage, domaine dans lequel nous restons les meilleurs au monde. Les nuages qui obscurcissent actuellement l’horizon laisseront place au beau temps, car nous sommes décidés non seulement à renouveler la convention et à l’améliorer, mais aussi à faire comprendre combien ce travail est important commercialement et artistiquement en Italie.

Entretien réalisé le 15 mai 2013

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