Introduction

En ce début de XXIe siècle, tellement marqué par la « communication » et le multilinguisme, la traduction – ainsi que celles et ceux qui la pratiquent – demeure stigmatisée par des clichés séculaires. Quand ils ne sont pas accusés de haute trahison, les traducteurs ne peuvent prétendre qu’au statut de travailleurs de l’ombre, où on les somme parfois de rester, et ne sont guère plus tolérés que les porte-voix des manifestations de rue. La traduction audiovisuelle n’échappe pas à ces tares originelles. On va même jusqu’à les lui reprocher davantage qu’à d’autres formes de traduction. Ainsi, depuis que les films sont devenus parlants, l’antienne du « mal nécessaire » n’a cessé d’être chantée sur tous les tons à l’encontre du doublage et du sous-titrage.

Depuis un quart de siècle environ, la traduction audiovisuelle connaît pourtant une certaine visibilité due à deux facteurs intimement liés. Au cours de cette période, l’apprentissage des métiers de la traduction audiovisuelle est entré dans l’université et, par voie de conséquence, celle-ci est devenue pour les chercheurs objet d’études et de publications. Certes, dans les décennies précédentes, quelques écrits avaient été consacrés à ce type de traduction sous la forme d’articles ou, beaucoup plus rarement, de livres. Mais il fallait s’armer de courage pour les dénicher au détour d’une revue cinéphilique ou d’une fiche de catalogue de quelque fonds de bibliothèque spécialisée dans le cinéma. Car la traduction et l’adaptation audiovisuelles, objets de L’Écran traduit, trouvent leur origine dans la traduction de films et constituent, à cet égard, un domaine à part entière de la création cinématographique et audiovisuelle.

« Adaptation » ? Le terme est controversé, y compris parmi les praticiens de la traduction audiovisuelle. Pourtant, Simon Laks, traducteur de films et auteur de l’un des tout premiers ouvrages en langue française consacrés à ce domaine, fit de l’« adaptation » l’un des deux grands aspects de son métier dans un ouvrage pionnier qui sera prochainement mis à l’honneur dans notre revue.

L’Écran traduit se veut lui aussi pionnier, car il n’existe, à notre connaissance, aucune revue consacrée spécifiquement à nos métiers, quelle que soit sa langue de publication. Revue semestrielle, elle est une émanation de l’Association des traducteurs adaptateurs de l’audiovisuel (ATAA), sans en être « l’organe officiel » : les contributions proviendront aussi bien de ses membres que de personnes extérieures s’intéressant à nos questions, à un titre ou à un autre et de manière approfondie et avertie.

Notre revue est destinée à extraire la traduction audiovisuelle de l’ombre, ainsi que du cercle de la recherche institutionnelle où les voix multiples des praticiens de la traduction audiovisuelle ont parfois eu du mal à se faire entendre.

Ce premier numéro donnera un aperçu de cette ambition qui est la nôtre : donner la parole tout à la fois aux traducteurs, à ceux avec lesquels ils collaborent et aux chercheurs, universitaires et indépendants, qui s’intéressent à ce mode de traduction.

[Pour plus de précisions, notamment pratiques, nous renvoyons les lecteurs à l’article « Création d’une revue consacrée à la traduction/adaptation audiovisuelle », paru sur le Blog de l’ATAA le 19 novembre 2012.]

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