L’erreur dans le film policier

Parfois, dès le début, un détail permet de deviner qui est l’assassin. Si le commissaire ne voit pas ce détail, c’est que vraiment, il n’est pas très malin.

Quand je trouve tout de suite la solution à cause d’un détail, que faire ? Il s’agit souvent d’un détail important, impossible à supprimer sans l’accord de l’auteur. C’est cornélien.

Si l’auteur est estimable ou si c’est un ami, je m’arrange pour signaler l’erreur d’un air suprêmement indifférent et distrait, comme si je parlais d’une sauce à laquelle j’ajouterais du romarin, et je poignarde. En regardant ailleurs, en détournant aussitôt la conversation, en bondissant sur le téléphone, bref, n’importe comment : « Tiens, tu devrais revoir ce passage ! » Et mon auteur, d’abord courroucé, pâlit, blêmit, rougit, bref, manifeste tous les signes de la panique. Il a pourtant encore le temps de réparer la chose.

Je me souviens de la livraison d’un scénario sur le trottoir et moi, me rapprochant sournoisement d’un arrêt d’autobus pour, au dernier moment, hop, bondir dans le bus, et crier à l’auteur :

– Ah, j’oubliais de te dire que c’est dommage qu’il ait changé son ciré avant de la poignarder… Je comprends que tu as fait exprès de les mettre sur la piste. Mais le public (en voilà un autre !) n’est pas si raffiné que ça…

Laissant mon bonhomme bouche bée et l’œil fixe…

Si l’auteur ne me plaît pas, je le lui dis sans façon. Certaine qu’il me prouvera que ce n’est pas lui qui a fait cette erreur (sa secrétaire ? son assistant ? son collègue et ami ?).

Si l’auteur est exécrable et se sert de nègres sous-payés, je me tais et je laisse le soin de la révélation au producteur, au réalisateur ou au comédien qui ne manquera pas de buter dessus. Surtout si je téléphone à l’un d’eux, désespérée, en disant que je crois avoir laissé échapper une erreur importante…

Il ne faut pas compter sur les critiques, qui sont trop liés aux cinéastes, pour avoir l’œil perspicace ou pour oser dire ce qu’ils en pensent.

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