Le cinéma et la télévision

La traduction pour la télévision ne pose aucun problème. C’est comme passer de l’artisanat à l’usine. On souffre seulement dans sa chair, dans sa tête et dans son cœur. Le texte est déjà écrit pour être traduit en plusieurs langues (allemand, anglais, espagnol). L’auteur a pris soin de le rendre clair et sans finesses particulières. Très peu de jurons, mais un parlé coulant, souvent banal, très littéraire. Sauf quand il s’agit d’histoires de mafia, et encore…

Ce sont souvent des scénarios arrachés à des œuvres classiques. Je les « anime » à peine.

En outre, on ne sait jamais quel est le rôle qui sera interprété par un Français, une Française. Les coproductions ne se définissent que sur un scénario traduit. Il est donc impossible de fignoler tel ou tel rôle, même s’il a été prévu pour un comédien en particulier. Au dernier moment, ce rôle peut passer à un comédien allemand qui fera fi de la traduction en français, puisqu’il aura la traduction en allemand.

Il faut donc faire en sorte que le texte soit lisible pour n’importe qui. C’est très ennuyeux mais… bien payé. Et quand je travaille sur une coproduction, c’est par paquets de quatre, de huit, de douze épisodes que je la reçois. Quand on pense que l’effort de la traduction, c’est le début, pour plonger dans l’histoire, et qu’au fur et à mesure, ça se simplifie, vous pouvez imaginer ma vitesse d’enfer sur ma Praxis 48 vers le huitième épisode…

J’ai souvent peur de porter avec moi cette platitude, parce que quand je passe un mois entier sur la même histoire qu’on allonge, qu’on étire, jusqu’à plus soif… J’ai essayé d’intercaler dans mon travail deux épisodes télé, un vrai scénario, deux autres épisodes, un film, etc. Mais c’était beaucoup plus dur. Je n’arrivais pas à me remettre sur l’interminable histoire. Le scénario de film garde un charme extraordinaire, même quand il est mauvais. J’irais même jusqu’à dire que c’est son côté mauvais qui est attirant. Il n’a pas eu le temps d’être élimé, brossé, châtré. Le scénario du film est passé entre quelques mains de « gens du métier ». Pas comme celui de la série télévisée qui, devant être financé par la RAI, est épluché par une ribambelle de fonctionnaires plus ou moins doués, et qui tous veulent vous rendre le produit parfait. Un produit qui ne doit pas « choquer » la Communauté européenne. Au contraire, le cinéma, plus « jeune » quoi qu’on en dise, se paye souvent des voltiges.

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