Relevé standard

66. Les grandes maisons de production, pour la plupart américaines, ont la louable habitude de procéder, sitôt un film terminé, à la confection d’un élément de sous-titrage par excellence « universel », faisant office à la fois de liste des dialogues, de repérage et de footage, et rendant superflus tous les travaux décrits dans les chapitres précédents. L’élément en question est une sorte de « découpage technique » extrêmement précis et détaillé, contenant – s’il est « bien fait » – l’ensemble des indications techniques, psychologiques, scéniques, linguistiques et autres, pouvant servir aux adaptateurs de tous pays de « guide » en matière de sous-titrage. On l’appelle généralement « spotting-list » ou « dialogue continuity », termes américains adoptés en France tels quels (sans doute parce que l’article même y est relativement peu répandu). Nous proposons de lui substituer celui de « relevé-standard », qui a l’avantage d’être plus clair, plus français et plus proche de son concept.

67. L’établissement d’un relevé-standard est un travail d’assez longue haleine qui ne saurait être confié au premier venu. Son coût, relativement élevé, fait hésiter la plupart des producteurs à en entreprendre la réalisation, même pour les films de classe internationale. Ceux qui en sont partisans ne le commandent généralement que lorsque leur film a déjà été vendu à l’étranger, c’est-à-dire lorsque le temps « presse » et qu’il n’en reste plus assez pour faire « du bon travail ».

Les producteurs américains ont depuis longtemps compris l’importance du relevé-standard pour l’expansion de leurs films à l’étranger. La plupart en établissent un pour chaque film, aussitôt qu’il est terminé. Ce relevé-standard constitue pour eux un élément de production non moins essentiel que le mixage, le tirage de copies, la confection du film-annonce, la publicité, etc.

68. L’existence d’un relevé-standard permet, en dehors des travaux d’adaptation proprement dits, une économie considérable de manipulation fastidieuses et coûteuses telles que : envoi précipité de copies, projections répétées, passages à la Moritone1, usure prématurée des copies, transcription hâtive des dialogues à la table d’écoute et autres « ennuis » imprévisibles, qui ne font qu’aboutir à un sous-titrage improvisé de mauvais aloi.

69. Un relevé-standard s’élabore sur une copie standard définitive, dite « copie d’exploitation », dont les cotes sont identiques à celles des négatifs – contretypes – entreposés au laboratoire. Rationnellement façonné, il constitue la véritable « partition » d’un film achevé. Sa lecture, précédée d’une seule vision du film, permet la mise en route immédiate, sur place ou aux antipodes, de tout travail technique, aussi complexe qu’il soit, tant sur le plan laboratoire qu’en ce qui concerne les adaptations littéraires.

70. Un relevé-standard complet doit contenir :

  1. Un résumé du scénario ;
  2. Une description succincte mais précise des caractère, âge et particularités principales des principaux personnages à rôle parlant ;
  3. Un état de tous les documents (« inserts ») tels que : journaux, lettres, enseignes, etc., apparaissant au cours du film et dont la traduction est indispensable ou utile ;
  4. Un relevé de tous les cartons des titres « génériques » de début et de fin ;
  5. Un repérage du dialogue intégral et de tous les documents, avec footage, destiné au sous-titrage en tous pays, repérage tel qu’il a été décrit dans les pages précédentes ;
  6. Une description sommaire de chaque plan dialogué, des moments importants de l’action et de leur incidence sur le dialogue ;
  7. Le nom du personnage auquel le dialogue est destiné ;
  8. Le ton sur lequel un dialogue est prononcé ;
  9. Une traduction des expressions peu courantes, telles que : locutions idiomatiques, argotiques, termes scientifiques, vocables à caractère local, jeux de mots, mots ou phrases à double sens, etc. ;
  10. Une spécification, à l’endroit où ils interviennent, de tous les changements de plan et trucages (enchaînés, volets, fondus, etc.) entre les scènes ;
  11. Un repérage complémentaire des séquences « musique » avec footage début et fin de chacune.

71. Si l’on tient compte de la diversité des données énumérées ci-dessus, on peut dire que la teneur d’un relevé-standard est d’une complexité quasi scientifique. En effet, son élaboration requiert un savoir, une habileté et un don d’observation typiquement cinématographiques. C’est sans doute la raison pour laquelle rares sont les relevés-standard, même américains, où toutes ces indications se trouvent réunies dans une même édition. Certains ne comportent que des données strictement nécessaires et parfois insuffisantes, d’autres font état de renseignements superflus au détriment des plus essentiels. Bref, leur conception varie au gré de chaque maison de production.

On peut regretter que cet élément, par excellence international, n’ait pas encore fait l’objet d’une normalisation semblable à celle qui est en vigueur pour les cotes de la pellicule, des appareils de projection, etc.

72. Avec la description, très sommaire, de ce que doit être un relevé-standard perfectionné, nous croyons avoir épuisé tout ce qui peut toucher au processus du repérage.

Nous ne prétendons pas proclamer des vérités immuables, ne serait-ce que parce qu’il ne peut y avoir rien d’immuable là où l’art se mêle à la science. Il appartiendra à chacun de concilier au mieux le contenu de ces pages avec ses propres considérations techniques, artistiques… et commerciales.

Il existe plusieurs principes pour la conception d’un repérage. Nous avons exposé le nôtre et essayé de démontrer sa raison d’être. Ceci ne veut nullement dire que nous rejetions a priori tout repérage conçu sur d’autres bases.

C’est dans ce même esprit que nous allons aborder la deuxième partie de cet ouvrage : l’adaptation littéraire.

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