Le silence dans le dialogue

32. Lorsque nous prononçons, à la suite, une série de phrases d’une certaine durée, il est rare que nous le fassions d’un seul trait, sans marquer un ou plusieurs temps d’arrêt, pour « reprendre haleine ». Ces temps d’arrêt, grammaticalement parlant, correspondent le plus souvent aux « points », « virgules » ou autres signes de ponctuation. Ils constituent l’une des bases, la plus significative, du morcellement du dialogue d’un film destiné au sous-titrage.

33. Si ces temps d’arrêt se répartissaient uniformément lors de la durée du film, le repérage serait relativement simple : les « coupes » interviendraient aux endroits desdits temps d’arrêt, les tronçons de phrases auraient à peu près la même longueur, tout comme les sous-titres correspondants et, en conséquence, l’apparition et la disparition de ces derniers se succéderaient à une cadence confortablement homogène, sans trop de « chocs » et sans problèmes essentiels à résoudre.

Malheureusement, il n’en est pas ainsi.

Le dialogue d’un film peut être comparé à un long cours d’eau qui traverse un grand pays et change de forme et d’aspect en fonction du paysage qu’il rencontre. Morceler un dialogue en petites phrases, c’est comme diviser la longueur totale de ce cours d’eau en tronçons rigoureusement rectilignes. Pour peu que celui-ci soit multiforme et accidenté, il est évident que ces tronçons ne peuvent être que très nombreux et leur aspect très divers.

34. La variété du débit du dialogue influe forcément sur la durée des silences entre ces fragments. Ceci nous impose la nécessité d’adopter un système de classification qui nous permette d’aborder le problème du repérage sans ce chaos qu’engendre l’absence de toute méthode.

Nous allons notamment diviser les interruptions entre les diverses parties du dialogue dites par le même personnage, en trois catégories :

Respiration, dont la durée n’excède pas 24 images (1.8), soit une seconde ;

Suspension, dont la longueur se situe entre 24 et 48 images (1.8 à 3.0), soit entre une et deux secondes ;

Arrêt, correspondant à une interruption supérieure à 48 images, soit à 2 secondes.

Notre souci n° 1 étant, comme exposé précédemment, la recherche d’un repérage long, nous nous efforcerons de « grouper » le plus possible de texte dans un même sous-titre. Cette recommandation reste toutefois subordonnée à trois conditions :

a) La longueur globale des textes groupés ne peut dépasser 9.0 pieds ;

b) La teneur du dialogue réuni doit porter de préférence sur une seule idée principale ;

c) Le personnage qui parle doit s’adresser tout le long de la phrase à la même personne ou au même groupe de personnes. Par contre, si le « destinataire » du dialogue change, une coupe s’impose généralement à l’endroit du changement.

35. Pour faciliter ce repérage « groupé », convenons que :

1° La « respiration », interruption négligeable, ne requiert pas de coupe dans le dialogue. Mais il est toujours possible d’y recourir en cas de nécessité, notamment dans les cas où la « respiration » est le seul silence intervenant dans une phrase excédant 9 pieds ;

2° La « suspension » peut, soit impliquer une coupe, soit être négligée suivant la longueur maximum obtenue dans un cas ou dans l’autre. Ainsi, le repéreur pourra couper dans une « suspension », si c’est la seule coupe possible dans un dialogue excessivement long. Par contre, il pourra passer outre, si le tronçon de phrase qui suit fait corps avec le premier et que les réserves de longueur totale se trouvent satisfaites.

Toutefois, une coupe est recommandée dans une « suspension » lorsque le deuxième tronçon, tout en faisant corps avec le premier, doit produire l’effet d’une surprise. Par exemple :

Dialogue original

Oui, je sais que tu es un ami et que je peux

toujours compter sur... ton infidélité.


Repérage

Oui, je sais que tu es un ami et que je peux

toujours compter (coupe) sur ton infidélité.


3° « L’arrêt » entraîne obligatoirement une coupe de phrase, quelque courts que soient les fragments qui en résultent.

Sans épuiser les innombrables aspects du dialogue pouvant se présenter dans un film, les conventions ci-dessus permettront au technicien de « jongler » à son aise avec diverses espèces de répliques courtes, moyennes ou longues : il est rare, en effet, qu’il ne puisse tout ramener à l’un des cas précités.

Ajoutons cependant, que les chiffres que nous avons affectés à chaque catégorie de silence ne sauraient exprimer des valeurs absolues. Suivant le genre de scène, ils peuvent subir de légers écarts d’estimation. Telle scène « mouvementée », étalée sur un seul sous-titre, supportera mieux un silence prolongé qu’une autre, plus statique.

C’est au repéreur qu’il appartient d’en juger.

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