Introduction

Le présent ouvrage est le fruit de longues méditations, entachées de doutes quant à l’utilité de sa publication.

Car, en admettant même que ces pages contiennent des éléments nouveaux et constructifs, il est extrêmement difficile, pour ne pas dire impossible, d’ébranler une routine vieille de trois décennies. De plus, c’est pour nous un cas de conscience à l’égard de tous ceux qui, par la force des choses, sont les bénéficiaires involontaires de cette routine.

Si nous avons, nonobstant nos doutes, entrepris et mené à bien la tâche que nous nous étions assignée, c’est que nous avons cru de notre devoir de rendre publiques nos considérations, quelle que soit leur valeur objective et leur effet.

Ayant eu l’opportunité de manipuler force listes de sous-titres et feuilles techniques correspondantes et d’en voir après coup l’effet sur l’écran, nous avons été amené à constater, sans idée préconçue, qu’à côté des films – hélas ! ils ne sont pas légion – remarquablement sous-titrés au point de vue technique et littéraire, les écrans foisonnent en films dont l’adaptation va à l’encontre des lois physiques, physiologiques, psychologiques et linguistiques qui doivent assurer au public un spectacle aussi complet que possible.

Bien entendu, si l’on nous répond que « cela est sans importance puisque le public s’en contente et ne proteste pas », nous ne trouvons rien à redire… sinon que nul lui a jamais demandé son avis et qu’il est d’ailleurs mis devant le fait accompli. Mais tous ceux qui pensent, comme nous-mêmes, que le rôle du sous-titrage est de traduire – dans le sens le plus large du mot – un dialogue étranger dans son acception la plus complète et que le sort d’un film peut dépendre de la qualité du sous-titrage, tous ceux-là estimeront peut-être que les pages qui suivent n’auront pas été écrites tout à fait inutilement.

Bien que le sous-titrage comporte trois étapes essentielles, nous n’aborderons que les deux premières : repérage et adaptation littéraire, la troisième (titrage ou surimpression de titres) relevant presque uniquement des travaux de laboratoire étrangers à notre sujet. Toutefois, nous aurons à y recourir de temps à autre, à titre auxiliaire.

Certains termes techniques n’existant pas dans le vocabulaire français du sous-titrage, nous en avons introduit quelques-uns. Ce faisant, nous ne poursuivions d’autre but que celui de simplifier notre exposé en substituant un seul vocable à un groupe de mots à caractère descriptif pouvant prêter à confusion. Nous ne demandons pas mieux d’ailleurs que de leur voir opposer, le cas échéant, d’autres termes en vue de combler une lacune de terminologie.

Les trois étapes du sous-titrage ont une telle multitude de points communs qu’il est presque impossible d’en traiter une sans se référer, çà et là, aux deux autres. D’où la nécessité de recourir fréquemment aux répétitions ou renvois à des arguments déjà exposés. Pour plus de facilité, nous avons muni d’un numéro d’ordre les alinéas qui abordent un sujet ou une idée nouvelle.

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L’importance d’un sous-titrage pour la bonne compréhension d’un film étranger ne peut échapper à personne.

On sait que le sous-titrage consiste à traduire, aussi fidèlement que possible, un dialogue de film exprimé dans une langue plus ou moins ignorée du public. La traduction s’effectue au moyen d’une brève apparition à l’écran d’une inscription lumineuse rédigée dans la langue du pays.

Pour des considérations d’ordre physiologique que nous ne pouvons approfondir ici, le temps de lecture visuelle d’un texte écrit est sensiblement plus long que celui de perception auditive du même texte exprimé de vive voix et débité à une cadence normale. Pour que ce temps soit égalisé et un équilibre assuré entre le dialogue et sa traduction, il convient de rendre la lecture de celle-ci moins longue. On ne peut l’obtenir que par voie de compression du texte initial qui, délesté d’une partie de ses ornements de moindre importance, se voit réduit à une plus simple expression.

Il va sans dire que cette compression doit être effectuée sans le moindre préjudice pour la clarté de l’idée centrale contenue dans le dialogue. Or, ce résultat n’est pas toujours facile à obtenir et l’on doit souvent recourir à de savants artifices pour y arriver.

Le grand art de transposer un dialogue parlé en sous-titrage visuel consiste à exprimer le maximum d’idées dans la compression avec le maximum de naturel dans l’artifice.

Nous nous proposons d’étudier les moyens d’y parvenir.

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