Caractères italiques

98. Une habitude – une routine peut-on dire – veut qu’un sous-titre soit obligatoirement mis en caractères italiques lorsqu’il traduit une phrase dite par un personnage « invisible à l’écran ».

Or, cette « invisibilité à l’écran » est souvent mal interprétée par les adaptateurs, sans doute parce que le principe même n’en est pas clairement établi. Essayons de le faire.

99. Le sens implicite du recours aux italiques est d’enrichir autant que possible l’expression des sous-titres qui, de par leur substance, constituent une forme figée, pour ne pas dire « morte ». Faire intervenir, dans un courant de sous-titres en romain, une brève série de caractères italiques, c’est introduire momentanément une ambiance particulière dans l’action du film, ambiance qui est censée faire contraste avec celle des séquences normales. C’est comme si l’on s’écartait du sujet sous forme d’une courte digression. Une fois celle-ci terminée, « on revient à la réalité ».

Dans la majorité des cas, ces changements coïncident, certes, avec l’invisibilité du personnage qui parle, mais celle-ci est souvent plus illusoire que réelle. Pour être dans le vrai, il faudrait remplacer le terme « invisibilité » par « absence du décor » ; ou même, pour être plus précis, convenir que le personnage incriminé doit échapper non seulement à la vue du public, mais aussi et surtout à la vue des autres personnages de la scène.

Ainsi, lorsqu’un plan plus ou moins rapproché élimine un acteur du champ de vision, celui-ci n’en reste pas moins dans le décor et il n’y a pas lieu de le considérer comme « invisible » quant à l’application d’italiques. Faire état, dans une succession rapide de divers plans, de cette prétendue invisibilité, donnerait lieu à un pêle-mêle d’italiques et de romains qui, loin de créer une « ambiance » quelconque, plongerait le spectateur dans le désarroi.

L’inconséquence de cette « ferveur d’italiques » apparaît clairement lorsque, par exemple, un personnage momentanément « invisible » rentre dans le champ à la faveur d’un travelling effectué sans changement de plan : pour peu qu’un seul sous-titre « italique » traduise le propos de ce personnage, nous nous trouverions, à sa réapparition, en présence d’italiques qui ne seraient plus justifiés, puisque le personnage n’est plus « invisible ». Faudrait-il, pour être conséquent, leur substituer des caractères romains ?

Évitons donc de gaspiller sans discernement la modeste mais subtile éloquence des italiques et n’y recourons qu’à bon escient.

100. Les italiques sont d’un heureux effet quand ils illustrent des propos à caractère abstrait, évocateur, imaginaire, etc., se situant en quelque sorte en dehors de l’action du film. C’est le cas des phrases dites dans le rêve, voix de conscience, toutes sortes de citations, pensées ou répliques déjà entendues et rappelées pour en souligner la portée.

Ce genre de dialogue parvient au public dans sa partie sonore seulement, le personnage qui parle pouvant évoluer « dans l’abstrait » et rester invisible ; d’où confusion avec l’invisibilité hors de propos, dont nous avons fait état plus haut.

101. Par extension, on peut appliquer les italiques aux phrases dites par un acteur qui se trouve « hors décor » et ne doit pas, en principe, y faire une apparition imminente. En font partie : voix entendues à la radio, au téléphone, propos « écoutés aux portes », narrations ou commentaires « off », etc.

Il est également convenu de sous-titrer en italiques les chansons, ainsi que certains « documents » – lettres dactylographiées ou manuscrites, annonces, pancartes – en fonction de leur teneur.

102. Rappelons enfin le profit que l’on peut tirer de la mise en italiques d’un seul mot ou d’un petit groupe de mots, en vue de les faire ressortir par rapport à une autre fraction d’un même sous-titre. Cela permet souvent « d’en tirer plus long », sans allonger le texte.

103. L’auteur signalera les italiques à l’attention de l’imprimeur, soit en soulignant le texte intéressé, soit en le faisant précéder d’une mention adéquate. En fin d’une séquence substantielle d’italiques, il aura soin de porter l’annotation : « fin italiques ».

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