Après « Dorothée, passion sous-titres », « Rémy, passion chirurgie »

Un millier d’opérations, près de trois cents paires de seins rembourrées et près de quatre cents fessiers et paires de cuisses remodelés, des milliers d’heures passées devant la table d’opération… Et pourtant, Rémy n’est « même pas vraiment fan de belles femmes ». Il n’est pas du genre à être attiré par les bonnets C et tailles de guêpe et préfère une bonne paire de fesses rebondies chez une bonne mangeuse qu’un corps parfait et aseptisé, contrairement à beaucoup d’hommes.

Ces chiffres ne sont donc pas les symptômes d’un obsédé des femmes. Ils recensent ses faits d’armes sous le pseudonyme « Scalpel free », sous lequel il opère dans le plus grand secret depuis 10 ans.

De son premier grain de beauté enlevé à un relooking extrême complet

Rémy était un simple technicien de surface ayant raté ses études de médecine, mais sa passion pour le sang, les bistouris et la série Urgences l’ont poussé à prendre le scalpel pour aider ces femmes en détresse. Enfin, plus précisément, c’est devant le constat que les candidates à la beauté devaient attendre longtemps et payer très cher une opération que Rémy, en chevalier servant, a décidé de monter son équipe, composée d’infirmières amateures, de lui-même, chirurgien formé sur le tas et de Gégé, anesthésiste le soir, garagiste le jour.

Il a commencé petit, avec de simples dermabrasions, puis il a fait du chemin, jusqu’aux implants mammaires, liftings et liposuccions. Il a même été mis à l’honneur, le mois dernier, lors d’un congrès de chirurgie, à Paris, où il s’est trouvé confronté à des professionnels, très remontés contre lui. « Je savais qu’on me conduisait à l’abattoir », dit-il avec humour en repensant à cette table ronde très tendue. Mais il tenait absolument à faire entendre la voix de tous ces médecins, chirurgiens, héros amateurs qui, bien que non professionnels, ne font pas toujours un travail de mauvaise qualité.

Évidemment, certaines teams de chirurgie desservent l’image de ce travail amateur, surtout les « fastchirur », qui opèrent sans anesthésie, sans stérilisation et sans rencontrer la patiente avant l’intervention. « Comme dans tous les corps de métiers, certains font ça bien et d’autres non ». Rémy comprend la colère des médecins. « Après tout, ils font 10 ans d’études et espèrent vivre de ce métier, alors que nous, on fait ça comme ça, pour le plaisir. »

Rémy admet aussi que leur pratique amateur a pu nuire aux conditions de travail des professionnels. Mais il pense aussi que c’est un peu facile de leur attribuer tous les maux. Il estime que leurs opérations gratuites ont contribué à un accès moins cher aux soins, en forçant les professionnels à revoir leurs honoraires à la baisse. Cela a aussi permis de démocratiser certaines opérations peu connues en France, comme la greffe de sourcils.

« On répond à une demande, c’est tout.  Des femmes m’écrivent tous les jours pour me demander si je peux les opérer le soir même, parce qu’elles ont un rendez-vous galant le lendemain. La beauté n’attend pas ! »

Ces opérations, qualifiées de « sauvages » par les professionnels, ont aussi probablement permis l’accélération des procédures. En effet, pour faire face à ces pratiques illégales, qui sapent la fréquentation des cliniques privées, celles-ci, pour produire plus, ont créé des techniques pour opérer plus vite, et augmenter le « turnover » de patients. Même s’il arrive que le résultat soit médiocre, les cliniques peuvent ainsi réduire de 10 % les tarifs des procédures et produire par jour jusqu’à 4 paires de seins bonnet D de plus qu’avant !

Devant la mise en place de ces pratiques qui permettent à un plus grand nombre d’accéder à un corps de rêve, Rémy se dit parfois qu’opérer n’est plus si nécessaire, mais il adore refaire un nez ou extraire la graisse d’un fessier. Alors, il continue, pour la beauté du geste et pour proposer des seins de qualité. Car fortes du succès des chirurgies pirates et devant la demande grandissante, des teams non professionnelles ont vu le jour, et si Rémy devait ranger définitivement son scalpel, vers quel « Robin des bois » de la chirurgie ces dames devraient-elles se tourner, faute de se résoudre à attendre un peu plus pour avoir un chirurgien professionnel, diplômé et qualifié ?

La maladie du chirurgien

Comme tout loisir, la chirurgie esthétique peut vite devenir prenante. A une période, Rémy enchaînait les opérations, parfois 10 par week-end ! Aujourd’hui, il a réduit ce nombre à cinq, pour avoir une vie privée.

Quels critères faut-il réunir pour une opération réussie ? « Difficile à dire, on n’a pas fait d’études, on improvise, on a tout appris dans Urgences, mais moi, je suis intransigeant sur l’anesthésie et la stérilisation des instruments. Après, tout un chacun peut donner son avis et il arrive qu’on s’engueule au-dessus d’une patiente, quant à savoir si on devrait couper là ou là ; c’est passionnant ! Tellement passionnant que j’ai bien conscience que les non avertis doivent s’ennuyer, lors de ces dîners qui réunissent plusieurs chirurgiens amateurs, car ça peut vite devenir sanglant ! Mais ce sentiment d’appartenance à une famille, en tout cas, ça n’a pas de prix. »

La boîte à outils de Scalpel free

Sa team travaille dans un entrepôt désaffecté, parfait pour l’anonymat, car ne l’oublions pas, Rémy n’a pas le droit d’opérer, il n’a jamais passé la première année de fac de médecine et ne connaît même pas le nom des instruments qu’il utilise…
Rémy est fier de son équipement, qu’il a chiné à gauche et à droite, sur Ebay, dans les poubelles de certains hôpitaux…

Un équipement digne des plus grands !

Et voilà le travail…

Si Rémy doit déplorer quelques pertes, surtout à ses débuts, avant qu’il pense à se désinfecter les mains, ainsi que quelques visages déformés et seins pas vraiment d’équerre, il est heureux de rendre des femmes plus belles et ne comprend vraiment pas que sa générosité soulève un tel tollé parmi la profession.

En tout cas,  tant que le diktat de l’apparence et de la beauté superficielle existera, gageons que la passion de Rémy aura de beaux jours devant elle…

Cet article vous a choqué ? Parce que la chirurgie est une affaire sérieuse ? Eh bien, nous, professionnels de l’audiovisuel, estimons que le sous-titrage l’est tout autant. On peut songer qu’aucune vie n’est en jeu dans l’exercice de notre profession. Et pourtant, certains traducteurs spécialisés doivent parfois le penser, se voyant confier la traduction d’un témoignage pouvant mener à une condamnation lors d’un procès, par exemple. Ou dans le domaine médical où, à Berlin, une erreur de traduction de notice de prothèse a conduit à 47 opérations désastreuses en 2013.



En audiovisuel, puisqu’il ne s’agit « que » de divertissement, la tendance est à prendre ça à la légère. Or une mauvaise traduction, un sous-titrage ou un doublage médiocre peuvent « défigurer » un film ou une série autant qu’un coup de scalpel malencontreux. Et la tendance des médias à faire l’apologie du fansubbing, comme l’article récent du Monde.fr que nous avons pris un malin plaisir à singer, ne fait qu’accroître l’idée générale que le sous-titrage, ce n’est pas bien méchant, c’est vite fait, pas si compliqué. Si l’on répand cette idée, comment empêcher le grand public de mépriser les traducteurs-adaptateurs, et leurs commanditaires de les traiter comme un coût regrettable qu’il faut réduire au maximum, sans se soucier de la qualité de leurs conditions de travail ?



Oui, certains professionnels travaillent mal, comme dans tous les domaines, mais évitons de généraliser et surtout, arrêtons de fustiger les traducteurs qui osent demander une juste rétribution pour leur travail.

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