À la découverte du travail du comité d’organisation et des jurys des Prix ATAA​

Juliette De La Cruz répond à nos questions…

Comment sélectionnez-vous les œuvres soumises aux jurys ?

Notre objectif est de choisir le panel le plus vaste possible, notamment en variant les genres : comédie, drame, sitcom, film d’action ou historique… Mais aussi en variant les distributeurs, les diffuseurs, les auteurs, et, dans une moindre mesure, les laboratoires. À ce stade, nous ne jugeons pas la qualité de l’adaptation. Nous laissons ce travail aux jurys. En effet, contrairement à ce qu’on pourrait penser, le comité d’organisation ne visionne aucun des programmes sélectionnés. Ce serait beaucoup trop chronophage et nous ne souhaitons pas influencer les votes en présentant des adaptations que nous jugerions meilleures que d’autres. C'est bien aux jurys de trancher la question.

Néanmoins, nos choix restent éclairés : nous sommes tous cinéphiles et/ou sériephiles. De manière informelle, nous organisons une veille sur les sorties dignes d’intérêt. Nous sommes aussi à l’écoute de ce qui se dit dans le milieu. Il arrive enfin que des distributeurs ou des diffuseurs nous recommandent des adaptations – en toute objectivité – dont la qualité leur semble se distinguer.

N’êtes-vous pas face à une multitude d’œuvres ?

Au contraire, nous avons des difficultés à rassembler suffisamment de films et de séries. Pour plusieurs raisons… Tout d’abord, nous éliminons systématiquement les œuvres ne respectant pas le droit moral des auteurs (absence de signature, par exemple) et n’offrant pas des conditions de travail professionnelles. Pour faire ce premier tri, nous réalisons une petite enquête auprès des auteurs eux-mêmes et des diffuseurs pour vérifier le niveau de rémunération et les délais de travail. Nous essayons aussi d'obtenir des informations sur les enregistrements en plateau et le respect des textes, pour le doublage, auprès des directeurs artistiques ou des chargés de production. Évidemment, il s’agit d’une information déclarative. Nous n’avons aucun contrôle sur ce qui nous est dit. Cependant, cela donne une tendance. À quelques exceptions près, nous nous tenons à ces critères. Une entorse est possible si nous rencontrons trop de difficultés à parvenir au nombre de sélections requis. Mais lors des délibérations, le jury en est informé.

Par ailleurs, dans un souci d’impartialité, nous ne sélectionnons pas les auteurs faisant partie du conseil d’administration de l’ATAA et des comités d’organisation des Prix. Les gagnants sont également écartés pendant deux ans. Nous sommes un milieu assez restreint et toutes ces contraintes finissent par réduire considérablement le nombre d’œuvres éligibles…

Comment décidez-vous du nombre de finalistes ?

Initialement, il nous semblait idéal de conserver trois finalistes pour chaque prix. Seulement, dans la réalité, nous nous sommes rendu compte que ce chiffre était arbitraire et artificiel. Parfois, le jury avait envie de faire ressortir plus de trois auteurs ou équipes d'auteurs, et parfois, seules deux ressortaient véritablement du lot. Aussi, nous avons opté pour plus de souplesse et laissons le jury libre de choisir entre 2 et 4 finalistes.

Pourquoi ne communiquez-vous pas la liste complète des œuvres présélectionnées, mais seulement celle des finalistes ?

Si une œuvre n’est pas retenue en finale, c’est qu’elle ne répond pas aux critères de qualité attendus, selon l’avis et les préférences du jury concerné. Cela ne signifie pas que la qualité n'est pas au rendez-vous, mais qu'elle ne mériterait pas forcément un Prix, censé honorer un travail particulièrement remarquable, je le rappelle. Quand un auteur est en finale, même s'il ne gagne pas, c'est déjà un gage que le jury a remarqué la qualité de son travail et souhaitait le faire savoir. C'est cela que nous voulons mettre en lumière.

Comment sont jugés les finalistes ?

Les jurys visionnent les œuvres sans connaître le nom des adaptateurs. Nous tenons à ce principe, garant d’une plus grande objectivité.

En doublage, les jurés réalisent un visionnage comparé de la version originale et de la version française, et, en sous-titrage, un visionnage en VOST. Ils ont tout loisir de prendre des notes. Cette méthode permet d’apprécier réellement le niveau d’adaptation, de créativité et d’exactitude. Grâce à cette approche, les jurés identifient les contresens, les erreurs, mais aussi l’inventivité des auteurs, leur talent pour traduire l’humour ou un texte complexe. Pour ce faire, nous utilisons une grille qui permet d’évaluer la fidélité à la version originale (respect des registres de langue, du style, de l’humour, etc.), la fluidité des dialogues français (grammaire, anglicismes, barbarismes, naturel de la langue) et la qualité du synchronisme (pour le doublage)...

Comment le jury peut-il comparer des œuvres aux antipodes, telles qu’un film d’action et une adaptation historique ?

Il peut sembler curieux de confronter des films/séries très différents en genre ou en difficulté. Pourtant, a-t-on moins de talent à traduire des textes initialement plats et sans envergure ? On a souvent constaté qu'il était au contraire plus difficile de s'appuyer sur un dialogue fade, voire mauvais que sur un texte brillant. Dans ce sens, nous ne décernons pas des prix au mérite, nous ne cherchons pas à récompenser le défi que représentent certains textes complexes. Face à des dialogues « simples », certains auteurs réalisent un travail de dentelle et d’une grande précision. Pourquoi cela serait-il moins remarquable ?

Quoi qu’il en soit, la perfection n’existe pas. Nous recherchons les adaptations les plus équilibrées. Notre grille d’évaluation permet de garantir une analyse objective, mais chacun possède sa propre sensibilité. Certains jurés ont plus de considération pour le synchronisme, d’autres pour les belles trouvailles ou encore pour les blagues génialement traduites…

Et je vous assure que certaines délibérations donnent lieu à de grands débats au sein du jury !

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